Le bien-être des truies va coûter cher aux consommateurs. «C’est le début d’une onde de choc»
De nouvelles normes pour le bien-être porcin
L’année 2013 apportera de bonnes nouvelles aux truies mais pas aux amateurs de viande de
porc, pour qui saucissons et autres jambons fumés coûteront plus
cher après l’entrée en vigueur de nouvelles normes européennes
en faveur du bien-être porcin.
Les petits éleveurs s’inquiètent
Une partie des éleveurs, qui voient déjà le coût de
l’alimentation animale flamber depuis plusieurs années,
devraient renoncer à leur activité en raison des investissements
trop lourds que ces réglementations impliqueront.
Les cages à truies, utilisées pour isoler les femelles
enceintes et les contrôler plus facilement, seront interdites à
partir du 1er janvier dans les 27 pays membres de l’Union
européenne, onze ans après l’adoption de la mesure.
Bien-être animal
Tandis que les organisations de défense des animaux saluent
cette initiative, l’interdiction devrait conduire de nombreux
éleveurs européens, notamment les plus petits, à abandonner
cette activité, entraînant une hausse des prix sur le chorizo,
le prosciutto ou encore la saucisse de Francfort.
«C’est le début d’une onde de choc», prévient Jean-Michel
Serres, président de l’association des producteurs français de
porc, le FNP.
« Cela aura un impact significatif sur le prix du porc et va
poser de gros problèmes à l’industrie», ajoute-t-il, soulignant
que l’interdiction de ces cages représentera un surplus
significatif dans un secteur qui peine à être à l’équilibre.
En début d’année, l’entrée en vigueur de l’interdiction des
cages de batterie pour les poules pondeuses avait doublé le prix
des oeufs en France.
PROSCIUTTO ET BACON
L’augmentation du prix du porc ne devrait pas être aussi
spectaculaire, le secteur ayant plus de capacité à absorber une
hausse des coûts aux différents maillons de la chaîne de
production et la demande pouvant se reporter sur d’autres
viandes abordables comme le poulet.
Pour conserver leurs marges, les professionnels contactés
estiment qu’ils devraient procéder à une augmentation
de 10% au minimum sur les prix.
«Nous sommes obligés d’augmenter nos prix et pas de 3%.
Aujourd’hui, nous avons déjà besoin d’une hausse de 10% pour
garder nos marges et ce sera pire l’an prochain», estime Robert
Volut, président de la Fédération Française des Industriels
Charcutiers Traiteurs (FICT).
«Le prosciutto italien sera autant
touché que le petit-déjeuner des Anglais», ajoute-t-il.
En 2010, l’Union européenne a produit une quantité record de
22,7 millions de tonnes de viande de porc, soit plus de 20% de
la production mondiale.
3 à 4% des éleveurs européens devraient arrêter
La Commission européenne estime que 3 à 4% des éleveurs
arrêteront leur activité l’année prochaine, et que la mise aux
normes entraînera une baisse de production de 5% sur la période
2012-2014, selon deux sources qui participaient la semaine
dernière à un colloque réunissant les professionnels du secteur.
Aides supplémentaires en France
Mais l’impact de l’interdiction des cages variera selon les
pays européens.
Le Royaume-Uni, qui interdit les cages individuelles depuis
1999, a vu sa production croitre cette année et son cheptel
fondre de 40% entre 2001 et 2011, pâtissant des importations de
pays moins exigeants.
En revanche, l’Allemagne, premier producteur de porc de l’UE
avec environ 25% du marché, devrait être parmi les pays les plus
touchés. En France, un éleveur sur dix devrait abandonner son
activité, entraînant une chute de production de 6 à 7%.
Le prix du porc a déjà augmenté de 24% en France depuis le
mois de mai en raison de la baisse de la production, la date
butoir pour la mise aux normes arrivant à un moment où de
nombreux éleveurs sont fragilisés par la flambée des prix des
céréales, qui représentent 30% de leurs coûts.
L’impact sur les prix des nouvelles normes européennes ne
sera réellement connu qu’après quelques mois d’interdiction,
lorsque tous les porcs nés avant janvier auront été abattus.
Le gouvernement français a débloqué 15 millions d’euros ces
deux derniers mois, en plus des 25 millions initialement prévus,
pour accélérer les mises aux normes.
Les éleveurs français sont à la traîne comparés à leurs
confrères européens. La FNP estime que cet été ils n’étaient que
50% à remplir les nouveaux critères.
Le ministère de l’Agriculture a dit avoir reçu ces dernières
semaines énormément de demandes d’aides, qui peuvent aller
jusqu’à 20% des frais engagés.
Des toilettes pour les cochons
A partir du 1er janvier, les éleveurs auront l’obligation de
regrouper les truies enceintes et d’augmenter leur espace vital,
hormis pendant les quatre premières semaines et la dernière
semaine de leur grossesse durant lesquelles les cages de
gestation restent admises.
Jusqu’à présent, les truies étaient enfermées tout au long
de la grossesse dans des box individuels exigus qui permettaient
aux éleveurs d’empêcher ces mammifères voraces de se voler leur
nourriture et de s’agresser.
Pour les défenseurs des animaux, les truies gestantes
souffrent d’être confinées dans un espace si étroit qu’elles ne
peuvent se retourner, d’être séparées des autres animaux et se
blessent facilement aux barreaux métalliques.
A long terme, d’autres mesures en faveur du bien-être porcin
pourraient d’ajouter à cette réglementation européenne, comme
celles testées aux Pays-Bas dans une ferme tenue par
l’Université de Wageningen.
Dans un grand espace ouvert, les porcs y disposent de
différentes zones de vie délimitées : une pour les loisirs, une
pour manger, une pour dormir et une faisant office de toilettes.
De tels dispositifs représenteraient inévitablement une
importante hausse des coûts, et les responsables du projet
doutent eux-mêmes que les consommateurs soient prêts à payer
pour le bonheur porcin.
«Le bien-être animal a un coût», note Daniel Somers, manager
de la ferme néerlandaise. « Tous les consommateurs sont d’accord
pour améliorer ce bien-être, mais quand ils vont au supermarché
ils achètent la viande la moins chère ».