Le négoce de l’or, nouveau filon


Valeur refuge, l’or voit son cours exploser depuis le début de la crise. Face à la multiplication du nombre de négociants, la profession s’organise et l’Etat réglemente.

C’est une nouvelle ruée vers l’or. Depuis le début de la crise, le cours du métal jaune a atteint des sommets, de même que le nombre de négociants le rachetant au particulier pour en faire des lingots. Une prolifération qui inquiète les professionnels installés de longue date : en mars 2012, ceux-ci ont lancé la première chambre syndicale représentant le secteur, pour le structurer et renforcer le niveau d’exigence.

«Avant la crise, nous étions un petit milieu dont le fonctionnement n’avait presque pas changé depuis Napoléon, explique Gilles Rebibo, patron de la franchise Mister Gold et président de la nouvelle Chambre syndicale des négociants en or et du bijou d’occasion (CSNOBO). Mais depuis 2008, nous avons constaté une explosion du nombre de comptoirs : on est passé de 800 à 3000 enseignes environ en France. Des gens veulent vendre car les prix sont très intéressants, et, en face, d’autres achètent car ils sont à la recherche de placements de bon père de famille.»

Vocations de négociants

Face à l’instabilité du système bancaire, aux risques attachés aux actions et obligations d’Etat, l’or apparaît en effet comme la valeur refuge ultime pour certains particuliers – ou, pour d’autres, comme un moyen de sauver les fins de mois. Cet engouement, et la stagnation de la production, a porté le cours du précieux métal à des sommets au cours des derniers mois, et même des dernières années : un lingot d’or (1 kg) vaut aujourd’hui autour de 40 000 euros, contre 20 000 à la mi-2008.

Des sommes qui suscitent nombre de vocations de négociants. Entrer dans la profession est relativement simple : il suffit de se déclarer auprès d’un «bureau de garantie» – sans avoir à justifier d’une formation particulière – de disposer d’une balance homologuée, et de tenir à jour un registre des transactions.

«Certaines de ces personnes ne savent pas reconnaître, par exemple, un bijou de grande valeur, se plaint Gilles Rebibo. Elles le paieront en-dessous de son prix, récupéreront l’or et l’enverront à la fonderie.» Le CSNOBO souhaite notamment rendre obligatoire une attestation de formation pour les aspirants négociants.

Réglementations

Le regain d’activité du secteur a également attiré l’attention des pouvoirs publics. Sur l’année écoulée, les contrôles de police administrative se sont multipliés, pour vérifier le respect de la réglementation par les négociants. Le ministère de l’Intérieur travaille avec les professionnels pour éviter les dérives : «Il faut mettre en garde les consommateurs contre les dangers qu’il y a à s’adresser au premier venu, y compris à des acheteurs itinérants qu’on voit surtout en province, qui s’installent deux jours dans un hall d’hôtel», explique-t-on à Beauveau.

Un «guide du vendeur» est ainsi diffusé auprès du public par les négociants. L’obligation de disposer d’un certificat de formation est également à l’étude à Bercy, ainsi que des normes de sécurité minimales dans les locaux où exercent les acheteurs d’or.

Précédemment, en 2011, une loi a interdit le règlement en espèces des transactions de métaux, pour améliorer la traçabilité et décourager les braquages au comptoir. La même année, deux autres propositions de loi UMP, non adoptées, visaient, pour l’une, à mieux encadrer la publicité pour les sociétés d’achat d’or, qui prolifère notamment sur Internet, pour l’autre, à instaurer un enregistrement en préfecture pour les négociants et la création d’un registre national des transactions.

Une attention rapprochée qui gêne la profession : «A force de réglementer en dépit du bon sens, on bride notre développement», regrette Gilles Rebibo, soulignant que la création du CSNOBO vise aussi à peser plus dans les prochains projets de réglementation. Car la fièvre de l’or pourrait se prolonger : «Je ne vois pas le cours baisser, je pense qu’on va vers une stabilisation. A terme, beaucoup de gens qui sont rentrés dans cette activité pour faire de l’argent vont en sortir. Seuls resteront les plus sérieux.»