Google a perdu 20 milliards de $ sur les marchés

L’action Google, coté sur le Nasdaq, s’est effondré de 8% jeudi 18 octobre. Officiellement à cause d’une erreur de communication : les résultats trimestriels ont été révélés bien avant la clôture de la Bourse. Comme ils étaient bien pires que ce qu’attendaient les analystes, le titre s’est immédiatement effondré. 20 milliards de dollars sont ainsi partis en fumée et la capitalisation de Google est retombée derrière celle de Microsoft.

L’anecdote ne peut faire oublier l’essentiel : le bénéfice a baissé de 20% par rapport à l’an dernier à 2,18 milliards de dollars tandis que le chiffre d’affaires a progressé de 45% à cause de l’acquisition de Motorola Mobility. Si on retranche le chiffre d’affaires de Motorola, la situation est moins brillante : 19% de croissance seulement. « Le business model de Google reste bon, relativise un analyste français. Ce sont les médiocres résultats de Motorola qui sont responsables de cette mauvaise performance. » De fait, le producteur américain de smartphones et de tablettes affiche 527 millions de pertes et doit faire face à des coûts de restructuration.

Mais pourquoi diable Google a-t-il acheté cette société que tout le monde savait aux aboies ? Pour ses brevets. La hantise de Google est en effet de se voir attaqué pour violation de brevets et de devoir refaire son système Android. Or Motorola dispose d’un colossale portefeuille de brevets dans la téléphonie mobile. Du coup, il peut faire jouer l’équilibre de la terreur : si quelqu’un attaque Android, je réponds en attaquant tous les téléphones mobiles. C’est bien sûr Apple qui est le premier visé, Steve Jobs ayant, juste avant sa disparition, promis « la guerre thermonucléaire contre Android ».

Ce plongeon boursier ne constitue qu’une partie des malheurs de Google. Le géant américain reste avant tout une régie publicitaire. C’est la vente d’espace qui génère l’essentiel de ses bénéfices. Mais pour attirer et garder les internautes, il est contraint d’inventer sans cesse de nouveaux services. Et donc d’investir, notamment dans la construction de nouveaux centres de données.

« Nous avons des besoins énormes de ce côté, reconnaît Joe Kava, directeur des Opérations chez Google. Tout le monde veut avoir de la vidéo sur son mobile. 72 heures de vidéo sont téléchargées chaque minute sur YouTube ! Nous recevons 3 milliards de demandes de recherche chaque jour. »

Google vient ainsi de décider d’étendre son centre de données de Finlande. Coût de l’opération : 150 millions d’euros. Un investissement bien modeste comparé aux milliards que doivent débourser les opérateurs de télécoms pour préparer l’arrivée de la 4G ou pour maintenir le réseau en bon état de fonctionnement. Du coup, ils commencent à s’organiser pour contraindre les plus gros utilisateurs de leurs tuyaux à payer. « Google rafle les bénéfices en utilisant nos tuyaux, confie un opérateur. Il faudra bien qu’il paye un jour ou l’autre pour cette utilisation. C’est ni plus ni moins que du pillage. » En tout cas, les groupes de pression se multiplient à Bruxelles pour obtenir une meilleure répartition des coûts et des bénéfices des acteurs de l’internet.

Les médias français, à leur tour, se plaignent, à tort ou à raison, que leurs contenus sont utilisés par le géant américain et demandent le paiement d’une taxe pour rémunérer le droit d’auteur. Le géant américain a immédiatement indiqué qu’il préfèrerait ne plus référencer les médias français plutôt que de payer la moindre taxe. Google estime qu’il sortira probablement vainqueur de ce bras de fer : les média pouvant difficilement se passer d’un référencement par un moteur de recherche qui truste plus de 80% des requêtes !

Une autre menace, bien plus sérieuse, vient des « Cnil » européennes qui publient un rapport dénonçant les manquements de Google par rapport au respect de la vie privée. Ce rapport a été approuvé par les 27 pays de l’Union Européenne. Le Canada, les pays de la zone Asie-Pacifique (dont l’Australie) ont fait savoir qu’ils soutenaient ces recommandations. L’affaire pourrait avoir des retombées redoutables. Google, en effet, recueille des données sur les internautes afin de pouvoir faire apparaître des publicités ciblées. La collecte de ces données est un élément essentiel de son business modèle. Sans elles, il sera plus difficile à Google de justifier ses tarifs publicitaires.

En résumé, Google commence à fédérer contre lui des mécontentements des opérateurs télécom, des éditeurs et des Cnil. Individuellement, aucun de ces acteurs n’est une menace. Mais tous ensembles, ils peuvent inquiéter Google. Et les actionnaires de Wall Street.

Sources : Challenges