Ces “villes en transition” qui préparent l’après-pétrole
Face au défi du déficit pétrolier et du dérèglement climatique, plus de 1 000 villes dans le monde se préparent à la sobriété.
Face au défi du déficit pétrolier et du dérèglement climatique, plus de 1 000 villes dans le monde se préparent à la sobriété.
Le pétrole a envahi les moindres recoins de nos vies : plastiques, médicaments, cosmétiques, vêtements, transports, chauffage… Un simple ordinateur nécessite des dizaines de litres de pétrole pour sa fabrication et sa distribution. Coté transport, 99 % des voitures roulent à l’essence et, plus inquiétant, notre alimentation, industrialisation oblige, est largement dépendante de l’or noir (engrais, pesticides, matériels agricoles et transport).
Selon l’Agence internationale de l’énergie, le pic pétrolier – le moment où la production commence à décroître – a été dépassé depuis quelques années. Alors que la demande mondiale augmente, les hydrocarbures disponibles sont de plus en plus difficiles à extraire (sables asphaltiques, pétrole de roche-mère, grands fonds marins…), ce qui augmente les coûts de production et les risques pour l’environnement. Plusieurs experts dans le monde s’accordent à dire que la fin proche du pétrole abondant et à bas prix bouleversera complètement notre économie mondiale et nos modes de vie.
Plantes recyclables et panneaux solaires
Fatalité ? Pas forcément. C’est en tout cas ce qu’a décidé Totnes, une petite ville du sud de l’Angleterre, en se proclamant “Ville en transition” en 2006. Partant du principe que, de toute façon, il faudra gérer la réduction d’énergie et la dépendance au pétrole, les habitants de Totnes ont décidé de s’y préparer, plutôt que de subir. Pilotés par Rob Hopkins, l’instigateur du mouvement, des groupes de travail se sont constitués autour de l’alimentation, les transports, l’énergie, l’éducation ou encore la santé et s’activent à reconquérir l’autonomie dans tous ces univers. Plus d’une trentaine de projets sont en cours et des réalisations ont déjà vu le jour. La plus curieuse concerne un vaste programme de plantation de noyers et d’oléagineux. Pourquoi ces espèces ? Dans ces plantes, tout est recyclable… Tandis que le brou de noix pourra être utilisé en teinturerie, les cerneaux fourniront de l’huile, les résidus de pression serviront de nourriture aux animaux, les noix vertes permettront de concocter un excellent vin et les coquilles seront un parfait combustible !
Pour relocaliser l’alimentation et développer les liens intergénérationnels, un réseau de jardins partagés s’est également mis en place : les propriétaires de jardins non utilisés (souvent des personnes âgées) les mettent à la disposition de ceux qui n’en ont pas afin qu’ils y cultivent un potager. La production est ensuite partagée en deux. En parallèle, les habitants ont lancé une monnaie locale, “la livre de Totnes“, pour favoriser la consommation sur place, l’emploi et la réduction du transport de marchandises. Enfin, un mouvement de “rues en transition” a été formé par un groupe de voisins soucieux de limiter leur consommation d’énergie : leur implication leur a permis de décrocher des subventions publiques et d’installer plus d’une centaine de panneaux solaires sur les habitations. Le toit de la salle municipale compte à lui seul 72 panneaux solaires qui génèrent des revenus affectés à la rénovation du bâtiment et à d’autres projets.
La France tente de combler son retard
En à peine six ans, Totnes est devenue la vitrine mondiale de la transition énergétique et a fait des émules. Aujourd’hui, 1 000 villes ou territoires à travers le monde se sont joints au mouvement, et si la France ne compte que deux villes labellisées (Trièves en Isère et Saint-Quentin-en-Yvelines), une soixantaine de territoires se sont déclarés “en transition” : quartiers de Paris ou de Lyon, Toulouse, Nantes, Montreuil…
Chez les pionniers, comme le “Trièves en transition” près de Grenoble, des actions concrètes et simples commencent à se déployer. Ainsi, le nouveau plan local d’occupation des sols intégrera les changements à venir : moins de consommation d’énergie, importance de la dimension sociale, espaces dédiés au jardinage, etc. Pour préparer la transition économique, un premier club d’investisseurs s’est créé avec comme objectif le soutien financier de l’emploi et l’économie locale.
Côté alimentation, un cycle de rencontres-débats entre agriculteurs et consommateurs connaît un succès croissant et stimule les changements de pratiques agricoles (conversion en bio, utilisation des animaux de trait…) Enfin, des ateliers pratiques permettent aux habitants de s’approprier des savoirs anciens ou nouveaux : construction de fours solaires, jardinage, connaissance des plantes médicinales, mise en place du compost (qui fournit des engrais naturels), réparation d’outils et de vélos…
À la clé, plus d’autonomie, mais aussi plus de liens. “Que l’on travaille sur l’énergie, l’alimentation ou encore l’éducation, l’objectif avant tout est de rapprocher les gens, qu’ils fassent des choses ensemble“, conclut Pierre Bertrand, l’un des fondateurs du mouvement dans le Trièves. La solidarité et l’inventivité, nouveau Graal des cités ?