Le trading à haute fréquence, une activité décriée dans le collimateur des autorités

Je fais quelques petites recherches sur le HFT (High Frequency Trading) en ce moment. Sachant qu’en plus, leurs fameuses taxes reviennent sur le tapis…

L’article date un peu (février 2012) mais histoire de se rafraichir la mémoire.

Ils sont visés par la taxe sur les transactions financières que veut imposer Paris. Les traders dits « haute fréquence » ont très mauvaise presse. Knight Capital Europe, l’un des acteurs majeurs, a ouvert ses portes aux « Echos ».

« Respect for each individual », « Responsible citizenship », « Integrity » défilent en boucle sur les fonds d’écran, dans la gigantesque salle des marchés où s’affairent des dizaines de traders. « Vous voyez : nous ne sommes pas le diable », sourit l’un des dirigeants de Knight Capital Europe, l’un des plus gros acteurs de la haute fréquence à Londres. Ciblé par la taxe sur les transactions financières que veut imposer Paris, pointé du doigt par les régulateurs, souvent décrié, le trading à haute fréquence (THF) intrigue et interpelle, en partie parce qu’il a connu un essor spectaculaire.

Une croissance spectaculaire
Cette forme de négoce automatisée, qui consiste à envoyer des ordres à très grande vitesse, a connu une forte croissance depuis une dizaine d’années aux Etats-Unis et depuis 2007 en Europe avec l’adoption de la directive Marchés d’instruments financiers. La haute fréquence représente désormais environ 55 % des échanges aux Etats-Unis (en volume) et presque 40 % en Europe (en valeur), selon Tabb Group. A comparer avec respectivement 26 % et 5 % en 2006. « Cette montée en puissance s’est faite sur fond d’innovations technologiques et de concurrence entre places boursières »,explique Will Rhode, analyste senior chez Tabb Group. « Plus pragmatiquement, c’est l’aboutissement d’un constat que les hommes sont plus lents que les machines », ajoute Phil Gough, président de Knight Capital Europe.

Des acteurs qui pèsent lourd
Ses principaux acteurs sont américains et pèsent lourd. Ensemble, les acteurs THF aux Etats-Unis ont généré un revenu de 5,7 milliards de dollars en 2010, toujours selon Tabb. Parmi les plus connus figurent Citadel, Getco et Knight -pour ce dernier, plus de 1,4 milliard de dollars de chiffre d’affaires au niveau mondial en 2011. « Mais la plupart des grandes banques en Europe, et notamment en France -dans leurs activités de comptes propres -, et bon nombre de « hedge funds » utilisent aussi les outils de la haute fréquence », ajoute Kee-Meng Tan, directeur général, chargé de la tenue de marché de Knight à la City londonienne. Pourtant, rares sont les établissements financiers qui veulent ouvertement en parler, tant l’activité a mauvaise presse.

Des stratégies multiples
Chacun a en fait sa propre définition de ce qu’est exactement la haute fréquence, compte tenu de la variété des techniques mises en oeuvre. Les points communs ? Les stratégies visent à exploiter des opportunités de courte durée via des processus automatisés -qui génèrent de faibles profits unitaires. Dans la haute fréquence, en l’espace d’un battement de cils, plusieurs centaines d’ordres peuvent être envoyés et l’essentiel est annulé avant d’être exécuté. « Du fait de la fragmentation de la liquidité, pour avoir le meilleur prix en un temps record, il faut placer le même ordre sur plusieurs marchés simultanément. La limite est le surcoût imposé par les Bourses à partir d’un certain seuil d’annulation – 100 pour 1 chez Nyse Euronext, par exemple », indique Didier Bankolé, vice-président de Knight Capital Europe.

Les spécialistes ont coutume de distinguer trois grands types de stratégies : celles de tenue de marché, consistant à placer des ordres d’achat et de vente sur un même titre pour capturer l’écart des deux prix, ce que fait par exemple Knight; des stratégies d’arbitrage, pour jouer la différence sur un même titre entre deux places de cotation ou encore entre un panier d’actions et un contrat à terme. Ce sont des techniques notamment utilisées par Getco, Goldman Sachs ou encore Morgan Stanley, selon le cabinet Celent; enfin, des stratégies directionnelles à très court terme. « L ‘essentiel de notre activité de tenue de marché porte sur ces dernières : nous essayons, au travers d’algorithmes, de prédire les tendances futures », explique Kee-Meng Tan, chez Knight.

La domination des machines
Dans l’univers du THF -comme plus généralement dans le domaine du trading électronique -, ce sont les machines qui dominent. Chez Knight, dans une pièce sécurisée, d’immenses serveurs d’environ 2 mètres de haut bardés de câbles envoient des millions d’ordres chaque jour. Ici, les stars sont des petits génies au profil de mathématicien ou de physicien qui conçoivent les programmes. Sur leurs écrans, des lignes de code incompréhensible pour le commun des mortels guident les décisions d’achat et de vente, sur la base de données reçues en temps réel. « Les modèles sont fondés sur des probabilités. Cela permet d’évacuer les émotions, explique Phil Gough.Mais il y a bien évidemment une surveillance humaine. Nous pouvons stopper les machines, bien qu’en tant qu’apporteur de liquidité, il soit difficile de sortir du marché en laissant nos clients « en plan ». »

La course à la milliseconde
Les acteurs de la haute fréquence se font la course à la milliseconde. Tout est pensé pour aller le plus vite possible : dans les programmes de décision d’exécution bien sûr, mais aussi dans les codes envoyés aux systèmes des Bourses ou encore la longueur du câble qui relie leurs machines aux plates-formes. Bon nombre de spécialistes placent ainsi leurs serveurs juste à côté des opérateurs (ce que l’on appelle la « colocation ») et des sociétés louent des hangars dans des endroits stratégiques. « Quand il y avait la criée, les courtiers payaient plus cher leur emplacement pour être proches de la corbeille, rappelle Axel Pierron, vice-président de Celent. Grâce aux innovations technologiques, de plus en plus d’acteurs de la finance vont réduire leur temps d’exécution, s’approchant de ceux utilisés aujourd’hui par les THF, dont l’extrême vitesse devrait devenir un jour la norme dans le trading électronique. On voit même aujourd’hui des boutiques se spécialiser sur l' »ultra low latency »- au-dessous de la milliseconde. »

Un impact discuté sur le marché
La vitesse inhérente au THF pose de nombreuses questions sur son impact sur le marché, la volatilité générée, et plus globalement sur les activités de trading ou encore les capacités de surveillance des régulateurs. « Le THF entraîne forcément des coûts supplémentaires de régulation et de gestion de l’accroissement des données, indique Charles-Albert Lehalle, responsable de la recherche quantitative chez CA Cheuvreux.Le trading à haute fréquence fait peur aux grands investisseurs classiques. Ils craignent que, si un THF détecte le début d’un long ordre d’achat, ses algorithmes fassent monter les prix à court terme. » Le THF laisse, en outre, la porte ouverte à toutes les craintes et fantasmes sur l’emballement des ordinateurs. « A tort quelquefois : le THF n’a pas été reconnu « coupable » du flash-krach de mai 2010 à Wall Street. Certaines stratégies THF ont toutefois contribué à renforcer le mouvement », rappelle Axel Pierron.

M. A.

Source : Les Echos