Marseille : un réseau de policiers ripoux démantelé

Membres de la BAC nord, ils sont soupçonnés d’extorsion et de vols en bande organisée.

Une fois encore, Marseille renoue avec ses vieux démons. En proie à une épidémie de règlements de compte qui a déjà fait plus de vingt morts depuis le début de l’année sur fond de trafics et de gros sous, la Cité phocéenne est secouée par un nouveau scandale de flics présumés «ripoux». L’affaire, si elle se confirme, pourrait flétrir de vilaine manière l’image parfois écornée de la police locale. Mardi matin, des fonctionnaires de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN, «police des polices») ont fait irruption dans les locaux de la Brigade anticriminalité (BAC) censée lutter contre la voyoucratie des quartiers nord. La descente des «bœuf-carottes» a été déclenchée à 9 heures, au moment de la prise de service des fonctionnaires. Douze d’entre eux, supposés véreux, ont été interpellés sur place, tandis que leur domicile ainsi que les vestiaires du poste de police étaient perquisitionnés. Les brebis galeuses étaient dans le collimateur depuis des mois.
À l’automne dernier, l’antenne régionale de l’IGPN recueille un «faisceau de tuyaux convergents» qui accable une brochette de fonctionnaires au comportement pudiquement qualifié de «troublant». En fait, les «cow-boys» en civil auraient mordu la ligne jaune. Outre des vols de produits stupéfiants ou de numéraires sur des dealers qu’ils avaient interpellés, ces policiers de la BAC nord sont accusés d’avoir empoché des enveloppes rebondies venant de caïds locaux ou encore de racketter des vendeurs de cigarettes à la sauvette. «Un certain nombre d’entre eux, apparemment, se payaient sur la bête, a estimé hier Jacques Dallest, procureur de Marseille, qui a déclenché une enquête préliminaire dès novembre 2011. Ils prélevaient leur dîme en espèces ou en nature, à des fins personnelles sans doute, mais aussi peut-être pour pénétrer le milieu délinquant…»
«L’argent coule à flots dans les cités et, au lieu de faire notre boulot de flic, on va récupérer des jeunes dans des cités qui ont des sacoches ou de l’argent, puis on passe des petits deals ; on les laisse repartir et on garde l’argent pour soi», avait témoigné en septembre dernier de façon anonyme sur France 3 un policier, ajoutant avoir subi «des menaces» pour avoir voulu dénoncer ces faits.

La «grande lessive»
Le contenu d’écoutes téléphoniques menées sur les «ripoux» est tel qu’une information judiciaire a été ouverte le 22 février dernier pour «vols en bande organisée», «extorsion en bande organisée» et «acquisition, détention et transports de stupéfiants». Les policiers mis en cause, gardés à vue pour une durée théorique de 96 heures, encourent jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle. L’enquête, menée sur commission rogatoire de la juge Patricia Krummenacker, pourrait vite prendre une autre ampleur. «D’autres objectifs sont prévus, d’autres interpellations vont avoir lieu, a d’emblée prévenu Jacques Dallest. Nous sommes au-delà d’un fait individuel, occasionnel. Il s’agit plutôt d’une pratique assez répandue au sein de ce service depuis un certain temps.» N’hésitant pas à évoquer «une organisation criminelle de vaste ampleur qu’il s’agit d’approfondir», le procureur de Marseille a cependant précisé que la hiérarchie n’est pas impliquée à ce stade de l’enquête. En revanche, un réquisitoire supplétif pourrait être ouvert si d’autres faits de corruption apparaissaient.

En juillet 2010, une opération «mains propres» avait déjà permis d’épingler une demi-douzaine de policiers phocéens censés être en cheville avec les frères Gérard et Michel Campanella, ainsi que Bernard Barresi, figures du grand banditisme corso-marseillais. Les risques de «fuites» à l’échelon local avaient été tels qu’une quarantaine de policiers avaient été dépêchés de Paris pour garantir la confidentialité de l’opération ayant frappé au total une vingtaine de gros caïds. Depuis lors, le préfet de police Alain Gardère avait poursuivi la «grande lessive». Avant d’être remplacé le mois dernier par Jean-Paul Bonnetain, qui, semble-t-il, n’en a pas fini de nettoyer les écuries d’Augias.

sourcehttp://www.lefigaro.fr/actualite-france/2012/10/02/01016-20121002ARTFIG00649-marseille-un-reseau-de-policiers-ripoux-demantele.php