Projet Clean it : l’UE finance un projet qui érode les libertés civiles d’expression et de vie privée.

Un nouveau projet visant à « lutter contre l’utilisation illégale de l’Internet » a fait les manchettes cette semaine. Le projet, baptisé  CleanIt , est financé par la Commission européenne (CE) pour un montant de plus de $ 400.000 et vise, paraît-il à éradiquer le terrorisme d »Internet.

European Digital Rights, une organisation basée à Bruxelles, composé de 32 ONG à travers l’Europe, a  récemment publié un document provenant d’une fuite de CleanIt.

Sur le site du projet, l’ objectif déclaré est de réduire l’impact de l’utilisation de l’Internet à des «fins terroristes», mais «sans nuire à notre liberté en ligne. »

Bien que l’objectif semble assez noble, le projet contient en fait un certain nombre de propositions controversées qui obligera les intermédiaires Internet à effectuer des surveillances qui affecterons notre liberté en ligne.

Jetons un coup d’oeil à quelques-uns des éléments les plus controversés du projet.

La privatisation de l’application des lois

Sous le couvert de la lutte contre «l’utilisation terroriste d’Internet», le «projet CleanIt», dirigé par la police néerlandaise, a mis au point un ensemble de «recommandations détaillées» qui obligera les sociétés Internet à agir comme arbitres de ce qui est «illégal» ou «terroriste».

Plus précisément, la proposition suggère que «la loi doit obliger les entreprises Internet  à détecter à un degré raisonnable  l’utilisation d’infrastructures terroristes» et, encore plus troublant, «peuvent être tenues pour responsable de ne pas enlever un contenu que des utilisateurs ont publiés sur leurs plates-formes si elles ne font pas des efforts raisonnables en matière de détection.  »

European Digital Rights a toujours exprimé des préoccupations quant au fait de s’appuyer sur ​​des intermédiaires pour surveiller Internet : (…) la définition de «terroriste» est, dans ce contexte, tellement vague qu’il faut donner l’alarme (voir la conclusion pour plus de détails).

L’érosion des garanties juridiques

Les recommandations préconisent  de nouvelles obligations qui forceraient  les sociétés Internet à disposer de toutes les informations  nécessaires pour enquêter sur «l’utilisation terroriste d’Internet. » Cela équivaut à une grave érosion des garanties juridiques.

Sous ce régime, il suffira qu’ une société brandisse une notion vague de «l’utilisation terroriste d’Internet», et ils auront carte blanche pour contourner les protections civiles des libertés.

Les recommandations suggèrent également que fournir sciemment des liens hypertextes vers un site qui héberge du «contenu terroriste» sera défini comme illégal. Ce serait nuire à un certain nombre d’ acteurs, des chercheurs universitaires aux journalistes, et serait une gifle aux principes de la liberté d’expression et la libre circulation de la connaissance.

Conservation des données

Les entreprise seraient également dans l’obligation de stocker les communications contenant du « contenu terroriste», même si elles ont été retirées de sa plate-forme, afin de fournir les informations aux organismes d’application de la loi.

Soutien matériel et sanctions

Le projet propose également des lignes directrices aux gouvernements, y compris la recommandation que les gouvernements commencent un « examen complet de la législation nationale existante » sur l’utilisation terroriste d’Internet. Cela comprend un rappel du règlement (CE) n ° 881/2002 (art. 1.2), qui interdit que les services Internet soient fournis aux entités terroristes désignées comme Al-Qaïda.

Il est à noter qu’une législation similaire existe aux États-Unis (voir: 18 USC § 2339B) et a été largement critiquée : C ‘est une criminalisation de l’expression qui a la forme de plaidoyer politique.

Les lignes directrices précisent comment les gouvernements devraient mettre en œuvre des systèmes de filtrage pour bloquer les fonctionnaires de toute «utilisation illégale de l’Internet. »

En outre, des  critères pour les politiques d’achat et des subventions publiques seront liés à ces sociétés Internet.

(…)

Politiques véritable identité

En vertu des dispositions CleanIt, tous les utilisateurs du réseau, que ce soit dans les réseaux sociaux ou professionnels, seront tenus de fournir leur véritable identité aux fournisseurs de services, altérant ainsi l’anonymat en ligne, qui est pourtant cruciale pour protéger la sécurité et le bien- être des militants, des dénonciateurs, des victimes de violence domestique, et bien d’autres (pour plus à ce sujet, voir l’excellent article de féminisme Geek).

Même la Cour constitutionnelle de Corée du Sud a trouvé qu’une telle politique est inconstitutionnelle !

En vertu de ces dispositions, les entreprises peuvent même obliger les utilisateurs à fournir une preuve de leur identité, et peuvent stocker les informations de contact de ces utilisateurs dans le but de les fournir aux services répressifs dans le cas d’une enquête.

Ces dispositions exigent même des individus qu’ils utilisent une vraie image d’eux-même.

Détection semi-automatique 

Alors que le contenu n’est pas automatiquement supprimé, toutes les recherches pour les noms connus des organisations terroristes, les logos ou tout autre contenu connexe sera automatiquement détecté.

Cela va certainement freiner la recherche associée à ce que la loi pourrait juger comme «contenu terroriste », et à porter gravement atteinte aux recherches normales sur l’actualité et l’histoire!

En effet, toutes les recherches sur le terrorisme pourraient finir par devenir de la propagande terroriste.

(…)

Interdire les langues

C’est effrayant, mais une chose à la discussion dans le cadre des dispositions CleanIt est l’interdiction des langues qui n’ont pas été maîtrisées par des « spécialistes abus » . La recommandation actuelle contenue dans le document est que l’usage de ces langues est inacceptable.

Avec plus de 200 langues couramment utilisés et plus de 6000 langues parlées dans le monde, il semble très peu probable que des « spécialistes abus » puissent s’ocupper de toutes, et il y aura donc quelques privilégiés.

Par souci de comparaison, Google Translate fonctionne  avec 65 langues.

A l’heure où de nouvelles initiatives pour préserver les langues menacées profitent des nouvelles technologies, il semble quand même chauvin d’ envisager de limiter quelles langues peuvent être utilisées en ligne et quelles langues ne peuvent pas.

Qu’est-ce que le terrorisme, de toute façon?

Alors que le document indique que la première référence pour déterminer le contenu du terrorisme sera « ONU / UE /  liste nationale des organisations terroristes », il semble que les dispositions permettent une interprétation plus large de cette problématique;

Comme dit l’ancien ‘adage, le «terroriste d’un homme est un combattant de la liberté d’un autre homme. »

Même une comparaison des listes des entités terroristes des États-Unis et de l’UE montre des différences, et la récente controverse aux États-Unis autour de la radiation d’un groupe iranien montre comment la volonté politique peut prendre des décisions absurdes.

Dans l’ensemble, nous constatons que le projet CleanIt est un effort peu judicieux d’introduire la censure et la surveillance et aurait pour effet de transformer les sociétés Internet en policiers d’ Internet.

Nous sommes également déçus par le financement du projet par la Commission européenne: Compte tenu des protections juridiques pour la liberté d’expression et la vie privée contenues dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ PDF] , il est impératif que tous les efforts pour traquer et poursuivre le terrorisme doivent  également protéger les droits fondamentaux.

Le régime CleanIt, érode clairement ces droits.

Source : https://www.eff.org/deeplinks/2012/09/cleansing-internet-terrorism-leaked-eu-proposal-would-erode-civil-liberties

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