Big Pharma et l’homme qui valait 3 milliards
Dans le dernier numéro du New England Journal of Medicine, Kevin Outterson de la Faculté de Doit de Boston revient sur l’amende record de 3 milliards de dollars payée par la firme pharmaceutique GlaxoSmithKline pour tromperie généralisée, dissimulation d’effets secondaires graves et corruption. Mais 3 milliards, est-ce vraiment dissuasif ?
GSK a plaidé coupable pour avoir frauduleusement promu deux antidépresseurs : le Paxil, commercialisé chez nous sous le nom de Deroxat et le Wellbutrin, une amphétamine commercialisée en France comme traitement pour arrêter de fumer : le Zyban.
Glaxo a reconnu avoir envoyé par exemple des médecins à Hawaii, en Jamaïque et aux Bermudes à des conférences factices, avoir rémunéré un scientifique pour manipuler les données d’une étude clinique pour vanter des propriétés non validées de ses médicaments.
Encore plus grave : GSK a ensuite plaidé coupable pour un troisième crime : avoir caché aux autorités de santé des données sur les effets toxiques de son antidiabétique Avandia alors qu’il faisait l’objet d’une surveillance renforcée. Cet antidiabétique accusé d’avoir causé 83 000 infarctus aux Etats-Unis a été discrètement retiré du marché français en septembre 2010, alors que le scandale du Mediator battait son plein.
3 milliards de dollars également pour se faire pardonner d’avoir versé des pots-de-vin pour avoir incité à prescrire ces médicaments hors des indications officielles. Contrairement aux avertissements de la FDA, GSK a reconnu avoir diffusé des informations biaisées pour mettre en avant l’inocuité de l’Avandia !
Concrètement, GSK va payer :
- 159 768 000 dollars pour avoir promu illégalement le Paxil
- 554 433 600 $ pour avoir promu illégalement le Wellbutrin
- A ceci s’ajoute le volet civil : 1 043 000 000 $ pour cette promotion hors indication
- 242 612 800 $ pour avoir caché des données sur le danger que représentait Avandia
- et au civil : + 657 000 000 $
- Fausse déclaration sur les prix aux autorités fédérales : 300 000 000 $
- Et la promesse de GSK de mettre en place un programme pour changer la culture de l’entreprise. Maintenant on est des gens chouettes ! Promis juré ! C’est pas une blague !
Des montants astronomiques, mais néanmoins dérisoires par rapport à l’argent touché en parfaite illégalité. A titre indicatif, sur la seule année 2006, Avandia a rapporté, simplement aux Etats-Unis, 2,2 milliards de dollars.
En fait, selon le New-York Times, Avandia a rapporté en tout 10,4 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent 11,6 milliards de dollars pour le Paxil et 5,9 milliards pour le Wellbutrin.
C’est justement ce que dénonce l’auteur de l’article du New England Journal of Medicine. Ces amendes sont-elles réellement dissuasives ? Clairement, sur un plan lucratif, Big Pharma a tout intérêt à continuer ses manoeuvres douteuses, quitte à se faire attraper de temps en temps par la patrouille. Le jeu en vaut largement la chandelle !
Le grand gagnant : Chris Viehbacher
L’homme qui était à la tête de ces manoeuvres lucratives était un certain Christopher Viehbacher. C’est lui qui dirigeait GSK US pendant toutes ces années, depuis 2003.
Après avoir réussi à grandement limiter la casse (Big Pharma parlerait ici du meilleur rapport bénéfice / risque de tous les temps) il a été recruté … pour prendre la tête du groupe Sanofi ! Cocorico ! Il n’y a pas de raison que seuls les américains fassent de l’argent ! Surtout après le passage du père Servier qui a ravagé le business, Sanofi devait vraiment sortir l’artillerie lourde pour se refaire !
En misant sur Viehbacher, Sanofi s’offrait les conseils éclairés et les « méthodes » d’un très grand businessman !
Après l’ouragan du Mediator, il va falloir repositionner ses pions. C’est ainsi qu’il a demandé à Christian Lajoux, le patron de Sanofi France de pousser la candidature du patron … de GSK, Hervé Gisserot à la tête du LEEM, (Les Entreprises du Médicament : le représentant officiel de Big Pharma en France). Sanofi qui recommande son concurrent GSK au poste du numéro 1 du médicament en France ? Que voulez-vous ? Nos premières amours ont la peau dure !
De là à ce qu’on nomme Jacques Servier à la vice-présidence du LEEM il n’y a qu’un pas !
En tout cas, avec Gisserot à la tête du LEEM, peu de chance que les pouvoirs publics ne déterrent l’affaire Avandia. Et oui, les 3 milliards de dollars sont pour les américains ! Les victimes françaises et la Sécurité Sociale peuvent toujours courir…
Source : http://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/big-pharma-et-l-homme-qui-valait-3-123001