Occupy Wall Street : un an après, l’esprit des luttes est toujours là

Lundi 17 septembre, plus d’un millier d’activistes d’Occupy Wall Street ont manifesté à New York pour fêter le premier anniversaire de leur mouvement. Un défilé qui s’est achevé par 150 interpellations.

À New York, le 17 septembre 2011, naissait « Occupy Wall Street » : une vague de protestation contre les inégalités économiques, la concentration des richesses entre les mains de « 1 % » de la population aux dépens des « 99 % », et contre le pouvoir sans limite de la finance. D’abord incarné par une place, Zuccotti Park, à la fois squat en plein air et lieu de manifestation, le mouvement Occupy a dû apprendre à survivre sans ce symbole récupéré dès la mi-novembre par la police.

Ce mouvement aborde des grands thèmes généraux comme l’éducation et la gratuité de l’université aux États-Unis ; quelqu’un propose de donner un cours sur la grève étudiante au Québec. Puis c’est au tour des thèmes locaux : la grève des loyers initiée par les habitants d’un immeuble insalubre du quartier et soutenue par Occupy ; la lutte des travailleurs illégaux d’un marché de Brooklyn, souhaitant ouvrir une section syndicale contre la volonté du patron ; la manifestation de « Occupy the Bronx » afin de dénoncer les bavures policières ; l’ouverture prochaine du Barclays Center, immense stade de Brooklyn, et les fausses promesses des investisseurs (de l’habitat abordable, entre autres)… Sans oublier les manifestations et conférences organisées pour célébrer l’anniversaire d’Occupy à New York. Une fois la réunion terminée, libre à chacun de sélectionner son « combat du jour » et d’aller militer.

Les militants s’inscrivent ensuite dans le réseau classique de l’action sociale. Ils soutiennent et amplifient des luttes existantes, notamment syndicales. Actuellement, cet effort est visible à Chicago, où 25 000 enseignants du secteur public se sont mis en grève lundi 10 septembre pour lutter contre les plans du maire démocrate et ancien conseiller d’Obama, Rahm Emanuel – notamment d’allonger la durée du travail sans augmentation salariale – en étant soutenus par des militants Occupy.

Ce fut encore le cas à New York, au printemps dernier. Les militants se sont illustrés aux côtés de salariés du restaurant Hot&Crusty, les accompagnant dans leurs piquets de grève afin d’obtenir le droit d’ouvrir une section syndicale dans l’entreprise. Les propriétaires, qui avaient d’abord annoncé vouloir fermer boutique plutôt que de laisser les salariés se syndicaliser, ont finalement cédé. À New York toujours, des militants Occupy ont également rejoint la campagne de lutte contre les pratiques dites du « Stop-and-Frisk » de la police de New York, à savoir des contrôles au faciès visant les Afro-Américains et les Hispaniques.

Voilà donc à quoi ressemble Occupy en septembre 2012. Militer signifie être sur tous les fronts.

Occupy, bientôt une étiquette politique au même titre que le « Tea Party » ?

Enfin – et surtout – c’est un militantisme local. « Penser global et agir local », reste la devise. Ces Américains œuvrent avant tout pour leur « communauté », telle une bonne vieille association de quartier. À Occupy Sunset Park, Ian, la quarantaine, se définit comme un gauchiste extrêmement déçu par Barack Obama, « c’était pourtant le seul homme politique pour qui j’aie jamais eu envie de voter… ». Heureusement, il y a Occupy. Le mouvement lui a redonné espoir. Et l’occasion de s’impliquer dans quelque chose. « Je suis un homme blanc à Sunset Park, on peut dire que j’incarne l’embourgeoisement du quartier. Et j’avais beau me considérer comme de gauche, je n’avais aucune idée de l’ampleur de certains problèmes, comme les brutalités policières à l’encontre des latinos. Occupy m’a rendu plus conscient. Et plus utile dans mon quartier », explique-t-il.

Un poids dans la campagne présidentielle ?

« C’est peut-être le problème de la gauche américaine dans son ensemble », rebondit Michael Kazin. « Elle est très efficace pour formuler des critiques, critiques plutôt populaires qui plus est : s’en prendre à Wall Street, dénoncer les inégalités, les droits des travailleurs bafoués, des taxes insuffisantes… Mais que fait-on de ces critiques ? Quelle vision défendons-nous, sachant que le système américain ne portera pas un projet socialiste ? » Il déplore l’absence d’un projet de société plus clair à gauche, « tandis que les conservateurs ont un message plutôt limpide ».

Mais si l’énergie et la colère d’Occupy n’ont pas donné lieu à un « grand soir » ni à de grands changements, il serait faux de considérer la question des inégalités économiques comme totalement absente du débat politique, notamment en cette période électorale. Pour Sean Wilentz, c’est seulement une affaire de vocabulaire. Reste à décoder le langage politique américain. Par exemple, lors des conventions des partis républicain et démocrate qui se sont tenues fin août et début septembre.

« Quand les républicains disent, “Nous ne devons pas punir le succès en taxant”, leur message implicite est qu’il n’y a rien de mal à l’inégalité. Quand les démocrates disent, “Le succès n’arrive pas seul, il est rendu possible par la participation de tout le monde à un échelon ou un autre”. Cela signifie qu’ils refusent de laisser une société de classes s’installer aux États-Unis. La réforme de l’assurance maladie fait partie de ce même projet. La dynamique des classes sociales est abordée de manière implicite, mais elle est présente. » Sauf que le débat serait sûrement plus clair et bien moins cynique si le prix de la participation à la vie politique américaine était moins élevé, la réservant aux plus offrants.

Le problème, s’il faut en nommer un seul, reste l’absence totale de relais médiatique de ces actions locales, hormis sur quelques sites web et magazines fabriqués et lus uniquement par la gauche de la gauche américaine.

Source : http://www.mediapart.fr/journal/international/170912/occupy-wall-street-lesprit-des-luttes-est-toujours-la