Pas de sympathie pour Bernard Arnault

La presse belge commente largement, ce 10 septembre, la demande de nationalité belge déposée par le richissime homme d’affaires français. Le quotidien flamand Het Laatste Nieuws en profite pour rappeler que, si le royaume est un paradis pour les exilés fiscaux, il impose lourdement ses propres sujets.

« Please allow me to introduce myself/I’m a man of wealth and taste (Permettez-moi de me présenter/Je suis un homme de richesse et de goût) ». C’est peut-être en utilisant ces paroles de Mick Jagger que le Français Bernard Arnault va bientôt se présenter devant la commission belge des naturalisations.

La richesse, l’homme baigne dedans et en fait commerce en tant que propriétaire de Louis Vuitton et Dior. Le goût, c’est quelque chose qu’il maîtrise étant donné que l’homme possède le Château Cheval-Blanc, le meilleur saint-émilion [acquis en 1998 avec le milliardaire belge Albert Frère, dont le Français est proche], et en tant que pianiste amateur féru de Chopin.

Sur un simple coup de générosité, Arnault pourrait, avec sa fortune de 41 milliards de dollars (32 milliards d’euros) faire disparaître notre déficit budgétaire et ramener notre dette publique à son niveau d’avant la crise bancaire.

C’est donc cet Arnault, l’homme le plus riche d’Europe, qui veut devenir Belge. Reste à voir si cette faveur lui sera accordée. Les partis politiques comme le PS ont probablement peu de « sympathy for the devil » (sympathie pour le diable) parce que l’exil d’un supercapitaliste comme Arnault n’est pas exactement une déclaration d’amour pour notre pays, mais plutôt une fuite pure et simple face à la politique fiscale du nouveau président français, le socialiste François Hollande.

C’est un départ qui fait de Hollande un socialiste jaloux, le symbole d’un pays où le succès des entrepreneurs n’est jamais fêté qu’à contrecœur. Le nouveau président français veut prélever une taxe de 75 % sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros. Cette mesure donne une apparence de vigueur et de justice, mais elle n’arrivera pas vraiment à glaner des montants importants de cette manière. La majeure partie des impôts provient de la classe moyenne, qui est déjà trop lourdement taxée.

Ailleurs en Europe, on constate une tendance identique à vouloir taxer les grosses fortunes. Aux Pays-Bas, le SP d’Emile Roemer [gauche radicale] veut faire grimper à 65 % le taux d’imposition de ceux qui gagnent plus de 150 000 euros. Même en Allemagne et en Grande-Bretagne, des voix s’élèvent pour réclamer une « opération Robin des bois » : aller chercher l’argent là où il est et le partager entre ceux qui en ont besoin.

En Belgique cependant, ce type de demande reste limitée aux manifestants de l’ABVV [syndicat socialiste] qui marcheront la semaine prochaine vers le « square des Milliardaires », dans la municipalité bruxelloise d’Ixelles, pour réclamer la fermeture de ce centre d’accueil pour les réfugiés fiscaux français. Ainsi, la Belgique reste jusqu’à nouvel ordre un refuge pour les riches Français et Néerlandais. Car il n’y a pas d’autre pays aussi schizophrénique que le nôtre en matière de fiscalité. Pour les salariés, la Belgique est un enfer avec ses cotisations sociales élevées. Mais pour les rentiers, le pays est un havre de paix. Pour les grandes entreprises, c’est un paradis fiscal : elles ne payent presque pas d’impôt. Et si nous commencions par réformer cela, très cher gouvernement ?

Jan Seger, s Het Laatste Nieuws

Source : http://www.courrierinternational.com/article/2012/09/10/pas-de-sympathie-pour-bernard-arnault