Dix ans de succès dans les paniers des AMAP
Une tasse de café à la main, sourire aux lèvres, Vivien Lamouret, trentenaire, décrit son métier de maraîcher qu’il aime tant. Il est installé à Mareil-sur-Mauldre (Yvelines) et écoule tous ses légumes biologiques en passant par un circuit « court » : celui des Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP).
Les AMAP permettent à un consommateur de rencontrer directement un producteur. Le premier s’engage, plusieurs mois à l’avance, à acheter un panier hebdomadaire au second. Vivien Lamouret travaille avec deux AMAP, dans lesquelles les consommateurs paient vingt paniers d’avance. « C’est un vrai confort. Je peux prévoir mes revenus sur plusieurs mois avant d’écouler mes produits », explique-t-il. Il s’est lancé dans ce circuit en 2005.
Dans ses 1 200 m2 de serres, la terre bien lisse laisse percer quelques petites têtes vertes, autant de carottes, salades ou épinards en devenir. En ce moment, il consacre ses journées à préparer la production de l’été prochain. « Le matin, j’ouvre les serres pour les aérer. Puis vient l’arrosage. Ensuite, je n’ai pas de vrai programme. Aujourd’hui, j’ai prévu de repiquer des plants, de dédoubler des rhubarbes, de passer la binette à roue pour désherber entre les serres… Mais il m’arrive de ne pas avoir le temps de tout faire. » En pleine saison, ses semaines de travail atteignent 60 ou 70 heures.
Père d’une petite fille de 2 ans, il ne souhaite pas, pour le moment, étendre sa production. « Je n’aurais plus de temps pour ma famille. Et si je voulais grandir, je devrais embaucher quelqu’un. Dans l’immédiat, je préfère ne pas prendre cette responsabilité. » S’agrandir signifierait aussi, pour lui, « perdre le contact avec ses consommateurs ». « On se connaît depuis longtemps. Certains sont même devenus des amis. » Le maraîcher livre ses produits dans ses AMAP chaque semaine.
DES « LOCAVORES » DANS TOUTE LA FRANCE
Depuis que le phénomène des AMAP s’est installé en France en 2001, le succès ne se dément pas. Il y en aurait aujourd’hui près de 1 600, livrant régulièrement 66 000 paniers à 270 000 consommateurs. Des adeptes répartis sur tout le territoire : les « locavores », désireux de déguster des légumes de saison de qualité produits près de chez eux, ne sont pas nécessairement citadins. Ni parisiens. L’initiative a débuté en Provence avant d’essaimer.
Depuis un peu plus de deux ans, les AMAP ont décidé de se structurer nationalement avec la création de Miramap, le mouvement interrégional des AMAP. Une manière de défendre leur singularité, décrite dans une charte qui revendique une agriculture pas obligatoirement certifiée bio, mais sans pesticides, sans engrais chimiques et sans organismes génétiquement modifiés (OGM).
Les consommateurs, appelés AMAPiens, préfèrent aussi constituer des groupes à la taille limitée. « Nous distribuons 60 paniers par semaine. Pour garder l’esprit de proximité, on ne veut pas être plus nombreux. Il est déjà difficile de tous se connaître », confirme Charles Brossolet, responsable de l’AMAP Les Lapereaux des Thermopyles, située dans le 14e arrondissement de Paris. Pour faire face à l’engouement, d’autres groupes ont dû se former dans le quartier, reconnaît le jeune homme.
Les agriculteurs ont du mal à satisfaire une demande croissante. Christine Aubry, agronome à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), a identifié en France « 265 groupes prêts à former une AMAP, mais qui n’ont pas trouvé de producteurs ».
François Pelatan, qui a contribué à développer la démarche dans le Sud-Ouest, reconnaît par ailleurs quelques accidents de parcours. « Parfois, les consommateurs sont un petit peu trop exigeants par rapport à des producteurs qui démarrent », explique-t-il.
A Vitrolles, dans les Bouches-du-Rhône, Jean-Jacques Anglade se souvient aussi de débuts difficiles : « Nous avons eu 40 % de départs la première année. Ces personnes voulaient consommer bio à un prix correct et n’étaient pas dans l’idée militante de maintenir une agriculture paysanne. D’autres les ont remplacées. » Aujourd’hui, le groupement compte 80 adhérents. Ils paient 23 euros pour un grand panier ou 13 euros le petit. Ces AMAPiens ne se contentent pas d’un abonnement chez un maraîcher. Ils ont aussi noué des partenariats avec des producteurs de fruits, de miel, d’oeufs, de viande ou de farine bio.
CONCURRENCE
Les AMAP doivent par ailleurs compter avec une concurrence qui se développe : multiplication des magasins bio, rayons spécialisés dans les grandes surfaces. Même la SNCF s’est lancée dans la distribution de paniers… Industriels et distributeurs multiplient les références aux producteurs locaux pour tenter de labelliser l’origine de leur offre. « Mais les magasins bio importent beaucoup de leurs produits. Certaines offres de paniers ne correspondent pas aux exigences de l’agriculture paysanne. Et les fournisseurs bio de la grande distribution sont souvent en monoproduction », souligne M. Anglade.
Au milieu de ses serres, Vivien Lamouret ne craint pas de mettre en avant sa sincérité. « J’aime la terre, et je la respecte », glisse-t-il. Dans le pré d’à côté, il vient de planter quelques arbres fruitiers, histoire de diversifier encore plus le panier de ses AMAPiens.
source: http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/04/02/succes-pour-les-paniers-paysans-des-amap_1679057_3244.html