La pression s’accroit encore sur Jean-Marc Ayrault, qui ne se « résigne à rien »
François Hollande et Jean-Marc Ayrault savaient que la rentrée serait à hauts risques. Elle s’avère littéralement explosive. L’annonce d’une hausse record du chômage – la plus forte depuis plus de trois ans -, approchant les 3 millions de sans-emploi, a fait hier l’effet d’une douche froide. Et contraint l’exécutif à remonter à l’assaut pour tenter de rassurer des Français inquiets et impatients de sentir les effets du « changement » promis pour « maintenant » pendant la campagne présidentielle. Invité au 20 Heures de France 2, le Premier ministre s’est employé à défendre la détermination et l’action de son gouvernement, insistant sur les emplois d’avenir – le projet de loi est présenté demain en Conseil des ministres -et les contrats de génération. Oui, la croissance est atone – la prévision pour 2013 sera revue « un peu » à la baisse. Oui, les marges de manoeuvre budgétaires sont extrêmement faibles.
Mais l’exécutif est au travail pour « colmater les brèches » et assurer, par des réformes « de structures », le « redressement » dont la France a besoin. Et il tiendra ses engagements de campagne. « Nous sommes engagés dans un combat de tous les jours (…) Je ne me résigne à rien », a lancé Jean-Marc Ayrault, arguant : « Nous avons à reconstruire ce qui a été défait depuis dix ans. » Le 14 juillet, François Hollande avait fait de la lutte contre le chômage la « priorité » du quinquennat. « Tout doit être engagé pour que l’emploi soit le plus haut possible à la fin de mon quinquennat », avait-il dit, se gardant de fixer un objectif, comme l’avait fait Nicolas Sarkozy en 2007.
« S’inscrire dans la durée »
Il n’empêche. La dégradation très forte de l’emploi risque d’accroître les contraintes budgétaires déjà très fortes qui pèsent sur le gouvernement. Et d’accentuer un peu plus la pression de l’opinion sur le rythme des réformes. Le chef de l’Etat recule dans les sondages (de onze points en un mois dans le baromètre Ipsos publié hier). Au sein même de l’électorat de gauche, beaucoup se disent sceptiques sur l’action du pouvoir socialiste, sur sa capacité à réduire le chômage et à tenir ses promesses, sur le pouvoir d’achat notamment. Le plafond du Livret A a certes augmenté, mais de 25 % seulement alors que François Hollande s’est engagé à le doubler. Et l’exécutif, qui avait d’abord promis de les bloquer, s’est contenté d’une baisse « modeste et provisoire » des prix des carburants, de quelque « 2 à 4 centimes par litre ». Au risque qu’elle ne soit guère perceptible pour l’homme de la rue « C’est une mesure de blocage pour éviter que les prix repartent à la hausse », a plaidé le Premier ministre, jouant les équilibristes. « Sur un plein, ça ne représentera même pas le prix d’un café », a raillé le député UMP Laurent Wauquiez.
Depuis une semaine, Jean-Marc Ayrault tente en fait de déminer tous azimuts. Multipliant les interventions pour faire la pédagogie des réformes et appeler les Français à la patience, en refusant de « changer de braquet ». « Nous avons engagé la totalité de ce qu’il faut faire (…) Mais notre action doit s’inscrire dans la durée », a-t-il fait valoir hier. « Certaines choses sont faites plus progressivement que prévu mais elles seront faites », insiste un de ses proches à Matignon. Sur RTL, le président de l’Assemblée, le socialiste Claude Bartolone, a assuré que les Français « vont en avoir pour leur bulletin de vote » et « vont voir le changement s’installer ». Touche après touche.
Devant ses interlocuteurs, François Hollande affiche lui aussi sa détermination à ne pas se laisser imposer le rythme des réformes, même s’il lui faut gérer le court terme. « Bon ordre, bon rythme, bonne direction », insiste-t-il en privé. Pour démontrer qu’il ne reste pas inactif sur la question du pouvoir d’achat, le gouvernement met en exergue la hausse de 2 % du SMIC en juillet, la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, mais aussi la suppression de la TVA sociale. En faisant l’impasse de l’impact de la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires. Il fait le pari que les Français savent qu’ « on ne peut pas dépenser ce que l’on n’a pas ». Et qu’ils sont prêt à donner du temps à un gouvernement qui veut avancer par la négociation. « L’opinion publique a conscience de la situation. Elle n’a pas été bercée par les illusions de campagne », veut croire un ministre proche du chef de l’Etat. Un socialiste de poids avoue, lui, que « le message est compliqué à faire passer. » Plus que jamais.