Supervision : Les allemands ne veulent pas de la BCE
La Banque centrale européenne (BCE) va se voir confier la supervision des grandes banques européennes, mais aussi des plus petites banques, selon le quotidien allemand Handelsblatt. Les Caisses d’épargne allemandes se sentent menacées. Le rôle de l’EBA est clairement remis en cause.
Grandes et petites, elles seront toutes sur un pied d’égalité. Selon le quotidien allemand Handelsblatt, la Banque centrale européenne (BCE) va se voir confier la supervision des grandes banques européennes, mais aussi des plus petites banques, qu’elles soient mutualistes ou Caisses d’épargne. Et ce, dans le cadre de la création d’une autorité unique de supervision bancaire, actée lors du sommet européen de la fin juin. Le quotidien allemand cite des sources au sein de la Commission européenne ayant lu le projet en préparation.
Si cette décision d’inclure les petites banques dans la supervision européenne ne concerne que marginalement la France -les Caisses d’épargne et les banques mutualistes régionales y sont intégrées à des grands groupes bancaires-, elle va en revanche à l’encontre des voeux du gouvernement allemand.
Berlin s’insurge
Berlin s’est d’ailleurs empressé de réagir à l’information du Handelsblatt. « Je ne vois aucune nécessité de soumettre à une supervision européenne des banques qui n’ont pas une taille critique pour la stabilité du système financier européen, ni d’activités internationales », a protesté sur le site du Handelsblatt, Michael Meister, numéro deux du groupe parlementaire de la CDU, le parti d’Angela Merkel.
La ministre de la justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, lui a emboîté le pas. « Pour les Caisses d’épargne et les banques mutualistes qui bénéficient d’une forte confiance et qui se sont bien sorties de la crise, il n’y a pas besoin d’un contrôle supplémentaire », affirme-t-elle. Le ministère des finances outre-rhin affiche de son côté son scepticisme, en estimant « qu’il n’est pas réaliste qu’il y ait une surveillance de 6000 établissements bancaires centralisée par la BCE ».
Les Caisses d’épargne allemande dans le viseur
Un transfert au niveau européen de la supervision bancaire risquerait en réalité de nuire aux 423 Caisses d’épargne allemandes, premier réseau de banque de détail du pays, ce qui explique les réactions en chaîne du gouvernement allemand. Sortir de la supervision nationale pourrait conduire les Caisses d’épargne à remettre en cause la structure de leur capital. Elles bénéficient en effet d’ « apports tacites » de capitaux ou « capital dormant », le plus souvent de la part des pouvoirs publics. Or ce capital n’avait pas été comptabilisé dans les ratios de fonds propres que l’Autorité bancaire européenne avait déterminé en juillet 2011. Ce qui avait durement pénalisé les Caisses allemandes lors des derniers tests de résistance bancaires.
Il n’est donc pas surprenant de voir le président de l’association des Caisses d’épargne, Georg Fahrenschon, affirmer « qu’ une surveillance par la BCE concentrée sur les grandes banques européennes serait suffisante ». Et d’ajouter « qu’ une surveillance bancaire paneuropéenne pour toutes les banques d’Europe serait surdimensionnée et ne serait pas suffisamment proche des réalités du terrain. Ce qui justement revêt une importance considérable pour les établissements qui ont une activité régionale ».
Le secteur privé n’est pas sur la même longueur d’onde
Le président de l’association des banques du secteur privé, Andreas Schmitz, s’est en revanche montré beaucoup plus mesuré que son homologue des Caisses d’épargne. Selon lui, « la crise qui a touché les Caisses d’épargne espagnoles a montré qu’il était impossible de prédire quels établissements ou groupes d’établissements pouvaient menacer la stabilité du système financier ». Il se montre du coup septique sur la pertinence d’introduire une supervision bancaire européenne à deux vitesses.
« Ce qui est important, c’est que la surveillance bancaire soit améliorée en comparaison avec la situation actuelle et que son action soit efficiente ». « Il ne peut pas y avoir de surveillance laxiste », estime-t-il, faisant implicitement référence à l’Autorité bancaire européenne (EBA), cible de nombreuses critiques ces derniers mois.
L’EBA, cible de nombreuses critiques
Cette dernière n’a tout simplement pas fait ses preuves depuis sa création, le 1er janvier 2011. Installée à Londres, cette instance a multiplié les imprécisions dans l’appréciation des risques bancaires. Lors des tests de résistance menés en 2011, il lui a été reproché d’avoir sous-évalué les besoins de capitalisation des banques du vieux continent, en se basant uniquement sur la dépréciation des dettes souveraines, tout en occultant parallèlement le risque de liquidité. Le cas Dexia est un exemple criant : La banque franco-belge a passé les stress-tests haut la main en juillet, avant d’annoncer son démantèlement moins de quatre mois plus tard…
En outre, l’EBA avait chiffré les besoins des banques européennes en fonds propres à 115 milliards d’euros en décembre dernier, alors qu’une aide européenne de 100 milliards d’euros maximum est maintenant prévue pour les banques espagnoles.