Un chômeur candidat à l’élection présidentielle ? C’est pas demain la veille…
Le coût d’une élection présidentielle pose l’éternelle question de la démocratie par l’argent, et forcément celle de la représentativité.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques vient de dévoiler les montants dépensés par chacun des dix candidats qui se sont présentés à la succession de Nicolas Sarkozy.
Voici, du plus dispendieux au plus modeste, le détail de cette valse des millions qui, une fois tous les cinq ans, fait vivre notre démocratie :
François Hollande : 21.769.895 euros (soit environ 1.500 années de Smic net !)
Nicolas Sarkozy : 21.339.664
Jean-Luc Mélenchon : 9.514.317
Marine Le Pen : 9.095.908
François Bayrou : 7.042.962
Eva Joly : 1.812.947
Nicolas Dupont-Aignan : 1.237.636
Nathalie Arthaud : 1.022.159 euros
Philippe Poutou : 824.097
Jacques Cheminade : 498.674 euros
Bien évidemment, tout cet argent, il faut pouvoir l’avancer. Et pouvoir patienter au moins six mois avant de bénéficier du remboursement prévu par l’Etat qui s’effectue comme suit :
• Le plafond de dépenses au 1er tour est fixé à 16,851 millions d’euros
– Pour les candidats ayant réalisé un score supérieur à 5% des suffrages exprimés, les frais sont remboursables à hauteur de 47,5% du plafond. Le remboursement s’élève donc à 8,004 millions d’euros.
– Pour les candidats ayant obtenu moins de 5% des suffrages exprimés, les frais sont remboursables à hauteur de 4,75% du plafond. Le remboursement s’élève donc à 800.423 euros.
• Le plafond de dépenses au second tour est fixé à 22,509 millions d’euros remboursables à 47,5% soit, d’office, 10,7 millions d’euros pour les deux finalistes.
Petit rappel des résultats du 1er tour => CLIQUEZ ICI
Pour vous faire une idée des remboursements, voilà ce que ça avait donné en 2007 => CLIQUEZ LÀ
On note que, d’une manière générale, l’ordre des dépenses reflète l’ordre d’arrivée des candidats. C’est comme au casino : plus on joue gros, et plus on augmente ses chances de gagner. Les petits joueurs n’ont qu’à se rhabiller.
Pour les poids lourds ainsi arrivés en finale (PS et UMP), le déficit frôle 11 millions d’euros. Mais ne les plaignons pas : l’un et l’autre s’adressant à des segments de populations pas vraiment démunies, comme d’habitude, ils amortiront cette somme sans trop de difficulté via des financements privés…
Par contre, je vous laisse imaginer le sacrifice que cela représente pour les petites formations (notamment EELV qui en sort complètement rincée). Seuls Bayrou et Cheminade sortent gagnants de l’opération, avec presque 1 million de bénef pour le Modem et 300.000 euros pour la caisse de Solidarité et Progrès.
Total des remboursements versés par l’Etat : 49 millions d’euros. Tel est le coût de la démocratie.
A la pêche au million
Mais revenons à la candidature d’un chômeur qui porterait la voix des 5 millions d’inscrits à Pôle Emploi, de nos 3 millions de salariés précaires, 8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et 2,5 millions de Smicards (les uns et les autres se croisant dans ces catégories), sans oublier les centaines de milliers de salariés menacés de licenciement. Au cœur du programme : l’emploi, la protection sociale et la répartition des richesses.
On voit que, pour les petits partis qui défendent les classes populaires comme le NPA ou LO, l’investissement a avoisiné 1 million. En l’espèce, même si toutes les associations de chômeurs de France s’unissaient pour réunir cette somme, elles ne le pourraient pas car elle sont totalement désargentées. Et quand bien même feraient-elles appel à des organismes de crédit pour financer leur campagne, le risque d’essuyer des refus est plus que probable car, c’est bien connu, on ne prête qu’aux riches (et la démocratie est surtout faite pour eux).
A moins de gagner au loto, la mission est quasi impossible. De même, quand on bouffe toute l’année les pissenlits par la racine et qu’on connaît la valeur de l’argent, on peut éprouver des scrupules à investir une telle somme pour un résultat incertain, sachant qu’un seul million d’euros équivaut à 50 années de salaire médian.
Tout cela repose la question de l’argent dans notre fonctionnement démocratique (se présenter à une élection pour faire valoir ses idées coûte une fortune), et avec lui le problème de la représentativité (face aux mieux lotis qui, par les moyens qu’ils déploient, occupent le devant de la scène, les pauvres et les exclus restent invisibles et obligés de se rallier aux formations existantes qui parlent le mieux en leur nom).
Ce n’est donc pas demain la veille qu’un candidat chômeur indépendant pourra se présenter aux élections présidentielles.