Faut-il craindre des faillites bancaires dans les mois à venir?
LE CERCLE. On peut désormais considérer que la crainte de défaillances bancaires est parfaitement justifiée, tant le système financier moderne est déséquilibré, intoxiqué !
Ces vingt dernières années, les banques (et les compagnies d’assurance-vie qui s’y rattachent) ont voulu « absorber » l’économie réelle, en la financiarisant. Or, dans la vie économique réelle, il y a des affaires (entreprises, immobiliers, bourses) qui sont prospèrent, d’autres toxiques. Les faillites éliminent les toxines, mais cela peut prendre du temps, surtout si elles sont mises sous cloche, donc invisibles. La financiarisation a aussi permis cela : cacher les mauvaises affaires des banques, soit dans des produits complexes ou même dans leurs bilans qui ne relatent pas toute la réalité. Aujourd’hui, c’est la quasi-totalité des établissements financiers qui est plus ou moins intoxiqué ; certains d’entre eux sont même au bord de la syncope.
Le sujet de la solvabilité des banques est à ce point préoccupant qu’il a fait partie des toutes premières priorités du dernier sommet européen. Nos dirigeants ont dû mettre en place un service d’urgence, sous la forme d’une sorte « d’union bancaire européenne » qui, d’une façon mutualisée, aurait pour vocation de venir au secours des banques en difficulté.
Mais attention ! Que les clients des banques ne s’y trompent pas. Il ne s’agit pas d’une garantie européenne pour tous les dépôts bancaires ! C’est au cas par cas, banque par banque, que l’Europe décidera d’intervenir ou pas. Reste alors la garantie de l’État français qui prévoit de protéger l’épargnant. Toutefois, en cas de faillites en cascade (c’est un scénario à prendre en considération du fait du caractère systémique de la finance actuelle) la question du financement de cette garantie étatique se poserait, puisque les caisses sont vides.
Comment un établissement financier peut-il faire faillite ? Comme toutes autres entreprises !
– Par le bas, lorsque son compte de résultat est négatif et que ces pertes viennent dégrader le bilan au point d’aboutir à la situation où l’entreprise doit plus qu’elle ne possède.
– Mais la faillite peut aussi directement venir du haut (du bilan lui-même) soit par de dettes irrécouvrables, soit par une baisse significative de la valeur des actifs.
Chacun peut constater que depuis des mois, les banques font des bénéfices records. Mais en fait, ces profits sont loin de pouvoir compenser l’accumulation des dépréciations d’actifs à laquelle les banques et les compagnies d’assurance-vie doivent faire face depuis 2008. Il s’agit bien sûr des dettes souveraines partiellement ou totalement insolvables – mais aussi des biens immobiliers fortement dévalorisés dans tout le monde occidental (la France faisant exception pour le moment) – des concours ou des participations directes dans des entreprises qui sont en difficulté du fait de la crise économique – des CDS (qui sont des contrats d’assurance sur des obligations), dont les cours se sont effondrés.
Pour redonner de la valeur à ces actifs, il faudrait de la croissance, une forte croissance. Mais elle n’existe ni en Europe, ni dans les pays anglo-saxons. Les banques centrales (BCE, FED) peuvent injecter toutes les liquidités qu’elles veulent, les effets sont nuls voir négatifs, puisque le problème n’est pas de gonfler la masse monétaire (déjà artificiellement trop importante et sans contrepartie de vraie richesse produite). Le problème se pose à l’endroit des très fortes dépréciations des actifs détenus par les établissements financiers, dépréciations non encore actées, pas encore comptabilisées, mais dont l’existence est connue des professionnels depuis quelques mois maintenant. Le silence sur ce sujet ne pourra plus durer longtemps. La réalité devrait éclater d’ici quelques mois, pénalisant les épargnants européens et surtout anglo-saxons.
Face à cette situation de fort risque de défaillance bancaire, il est inutile de courir à son guichet pour y retirer tout son argent. Lors des moments de crises bancaires, le taux de cambriolage des maisons monte en flèche et l’argent sous le matelas est encore plus en danger.
La solution consiste donc plutôt à bien choisir sa ou ses banques, sa ou ses compagnies d’assurance-vie, que l’on soit un particulier ou une entreprise.
Il ne faut pas compter non plus sur « l’effet de masse », celui qui consiste à penser que son établissement financier est un « géant » donc indestructible. En 2008, A.I.G (la 1re compagnie d’assurance au monde) a dû être sauvée de la faillite par les autorités américaines. Plus proches de nous, l’année dernière, la compagnie d’assurance « Groupama » et la banque « Dexia » ont également dû être aidées pour échapper à la banqueroute.
Hier, le choix d’une banque ou d’une compagnie d’assurance s’appuyait sur des considérations relatives à sa notoriété, à ses tarifs, son implantation. Aujourd’hui, il faut en priorité faire son choix selon des critères de solvabilité afin de passer, dans les meilleures conditions possible, la crise financière et bancaire qui s’annonce d’une façon imminente.
Estimer la solvabilité d’une banque ou d’une compagnie d’assurance-vie n’est pas aisée tant la lecture de leur bilan est complexe. C’est pourquoi de plus en plus d’investisseurs consultent au préalable des Cabinets spécialisés et indépendants pour les aider dans leurs choix. Mais même avec cette précaution, la prudence est de mise et la diversification dans plusieurs établissements dont le bilan est sain doit être recommandée.
Source : LesEchos