Le chaos est il voulu et organisé?
On s’inquiète souvent de la montée de la délinquance dans les cités. L’une d’entre elles, où le taux de criminalité croît de manière alarmante, mérite une attention particulière : la Cité de Londres.
En second lieu, les parrains du clan HSBC, l’une des principales banques de la planète, sont fortement soupçonnés d’avoir blanchi en toute connaissance de cause l’argent en provenance du trafic de drogue. Mis en cause par les autorités américaines, ils encourent désormais les foudres des tribunaux. Ces deux dernières affaires font suite à une ribambelle de scandales qui jettent une lumière crue sur les mœurs en vigueur dans le monde très fermé de la finance internationale et qui n’a guère à envier avec celles qu’on observe au sein du crime organisé dans les quartiers misérables des grandes villes.
Les défenseurs du système diront qu’il s’agit de moutons noirs dont les agissements ont été détectés par la justice et que tout rentrera dans l’ordre quand les sanctions prévues par la loi auront été prononcées. Il y a pourtant une autre manière d’interpréter ces phénomènes, qui ne cessent de se répéter depuis que l’argent circule librement autour de la planète : et si la délinquance financière était, non pas une anomalie de la finance mondialisée, mais une de ses composantes intrinsèques ? Et si elle n’était pas une pathologie du système, mais le système lui-même ? L’esprit de lucre placé avant toute autre considération est en effet la seule morale qui préside au fonctionnement des marchés de l’argent.
L’avidité a été érigée par les théoriciens du marché libre, comme par ses praticiens, en maxime universelle, pour employer le vocabulaire d’Emmanuel Kant. Le respect, la réputation, la renommée, sont réservés au seuls gagnants de la spéculation, quelles que soient les méthodes qu’il emploie, quels que soient les chemins tortueux par lesquels il est arrivé à la fortune. La seule valeur reconnue par ce milieu très particulier, c’est la valeur en bourse. Les autres valeurs – le courage, la droiture, l’honnêteté, la rectitude – ne sont que des survivances archaïques du temps où il y avait, à côté de l’argent, d’autres critères de la réussite individuelle. Tout cela, hérité d’un temps irrationnel et quelque peu boy-scout, a été noyé, comme l’écrivait Marx, « dans les eaux froides du calcul égoïste ».
Et si l’argent est la mesure de toute chose, la tentation devient forte d’en accumuler en dehors de toute règle, de toute morale, de toute loi. En supprimant toute autre référence que la réussite financière, on mine toute résistance au vol, à l’escroquerie, à la fraude ou à la tromperie. Pas vu pas pris : celui qui remplit son compte en banque a toujours raison. Les sociologues mettent souvent en relation le taux de délinquance observée dans tel ou tel secteur de la société avec le niveau de vie des personnes concernées. Il est entendu que la pauvreté, pour faire court, encourage l’illégalité, dans la mesure où les plus pauvres sont plus enclins, pour sortir de leur misère, à courir le risque de la délinquance. Les chercheurs doivent revoir leurs raisonnements. Dans le cas des marchés financiers, ce n’est pas la misère qui engendre le crime ; c’est la richesse.