La biodiversité sacrifiée sur l’autel du libéralisme
Windshift : Voici la lettre de réponse, et de demande de soutien de l’association Kokopelli, suite à la décision de la cour de justice européenne, d’interdire le commerce de semences de variétés anciennes, qui ont nourris nos grand parents, pour l’objectif d’une « productivité agricole accrue ». Non, vous lisez bien, ce n’est pas pour protéger notre santé, mais pour permettre aux gros semenciers, et aux producteurs d’OGM, de disposer de tout le marché ! En France, le Ministère de l’Agriculture a même nommé une représentante des semenciers professionnels, afin de rédiger le projet de loi!! Même si vous n’êtes pas agriculteur ou passionné de jardinage et de bio, ce conflit d’intérêt ne peut vous laisser indifférent…Faites circuler cette information : S’ils le font pour ça, que sera la suite?
La Cour de Justice, par sa décision rendue aujourd’hui dans l’affaire Kokopelli c. Baumaux, vient de donner un satisfecit intégral à la législation européenne sur le commerce des semences.
Pourtant, le 19 janvier dernier, son Avocat Général nous donnait entièrement raison, en estimant que l’enregistrement obligatoire de toutes les semences au catalogue officiel était disproportionné et violait les principes de libre exercice de l’activité économique, de non-discrimination et de libre circulation des marchandises.
Ce changement de cap absolu ne manque pas de nous surprendre et de nous interroger.
La Cour, aux termes d’une analyse étonnement superficielle de l’affaire, et d’une décision qui ressemble plus à un communiqué de presse qu’à un jugement de droit, justifie l’interdiction du commerce des semences de variétés anciennes par l’objectif, jugé supérieur, d’une « productivité agricole accrue » !
L’expression, utilisée 15 fois dans la décision de la Cour, consacre la toute puissance du paradigme productiviste. Ce même paradigme, qui avait présidé à la rédaction de la législation dans les années soixante, a donc encore toute sa place en 2012. La biodiversité peut donc être valablement sacrifiée sur l’autel de la productivité.
Cela fait 50 ans que cela dure et le fait que ce raisonnement nous ait déjà amenés a perdre plus de 75% de la biodiversité agricole européenne n’y change donc rien.
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De plus, cette biodiversité, qui a nourri les populations européennes pendant les siècles passés, est l’objet de la plus grande suspicion. La Cour va ainsi jusqu’a écrire, par deux fois, que la législation permet d’éviter « la mise en terre de semences potentiellement nuisibles » !
Cette remarque est totalement erronée puisque, comme l’avait justement relevé l’Avocat Général, l’inscription au Catalogue ne vise pas à protéger les consommateurs contre un quelconque risque sanitaire ou environnemental, auquel la législation ne fait même pas référence !
Cette remarque, surtout, est choquante, quand on pense que les semences du Catalogue, enrobées des pesticides Cruiser, Gaucho et autres Régent, ou accompagnées de leur kit de chimie mortelle, empoisonnent la biosphère et les populations depuis plus de cinquante ans !
Le lobby semencier (European Seed Association), qui a pris le soin, pendant le cours de la procédure, de faire connaitre à la Cour son désaccord avec l’avis de l’Avocat Général, se réjouit, dans tous les cas, de cette totale convergence de vues avec la Cour.
Nos adversaires directs dans cette procédure, c’est-à-dire la société Graines Baumaux, mais aussi la République Française, le Royaume d’Espagne, la Commission Européenne et le Conseil de l’UE, doivent également s’en frotter les mains.
Avec cette décision, les masques tombent : la Cour de l’Union Européenne est, elle aussi, au service de l’agriculture chimique mortifère et de son idéologie corruptrice.
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Mais tout cela se comprend par l’examen du contexte dans lequel prend place cette décision : en Europe, une réforme générale de la législation sur le commerce des semences est en cours. La procédure est placée sous le haut parrainage de l’industrie semencière. Les associations de sauvegarde de la biodiversité, petits producteurs, paysans et jardiniers passionnés, qui, à travers toute l’Europe, conservent clandestinement plus de variétés oubliées que tout ce que le catalogue des variétés appropriées n’en pourra jamais contenir, n’ont pas été invitées à la table des négociations…
Verra-t-on, dans ce cadre, le législateur européen redéfinir ses priorités ? Les semenciers veilleront à ce que cela ne soit pas le cas.
La France, dans ce cadre, joue un rôle particulier. Le Ministère de l’Agriculture a dépêché l’une des collaboratrices du GNIS (représente les semenciers professionnels en France) Mme Isabelle Clément-Nissou, auprès de la Commission Européenne afin de rédiger le projet de loi ! Mais les conflits d’intérêt, inadmissibles, ne semblent choquer personne au niveau des institutions européennes…
Ainsi, l’étau se resserre et les perspectives pour la biodiversité n’ont jamais été aussi sombres.
Et l’Association Kokopelli, qui depuis 20 ans veille avec passion à la préservation du patrimoine semencier européen, bien commun de tous, sans la moindre subvention publique, pourrait donc bien disparaître demain, car son activité, qui gêne l’une de nos sociétés commerciales les mieux installées, ne présente pas d’intérêt pour une « productivité agricole accrue ». Cette décision nous sidère, autant qu’elle nous indigne.
Plus que jamais, Kokopelli a besoin du soutien moral de la population. Car il n’est pas admissible que les variétés anciennes, héritage de nos grands-parents, soient interdites de cité !
Nous en appelons également à notre gouvernement. La gauche, sous les précédents gouvernements de droite, nous a dit pouvoir compter sur son soutien à de nombreuses reprises. Il est temps maintenant qu’elle transforme ses promesses en actes (en commençant par retirer son mandat à Mme CLEMENT-NISSOU) !
Kokopelli, le 13 juillet 2012.