Climat : Peu connues les rivières atmosphériques

D’énormes flots de vapeur dans l’atmosphère, surnommés rivières atmosphériques, entraînent parfois des inondations exceptionnelles. Avec le changement climatique, ces événements pourraient se multiplier.

Les rivières atmosphériques

Michael Dettinger et Lynn Ingram

 

La veille de Noël 1861, d’intenses trombes d’eau venues de l’océan Pacifique ont commencé à s’abattre sur le centre de la Californie et se sont prolongées pratiquement sans répit pendant 43 jours. Le déluge a transformé les rivières qui descendent des montagnes de la Sierra Nevada, à la frontière orientale de l’État, en torrents déchaînés. Ces derniers ont balayé des bourgades minières et des villages entiers. Les cours d’eau et les pluies se sont déversés dans la vallée centrale de l’État et l’ont transformée en une mer intérieure de près de 500 kilomètres de long sur 30 de large. On a déploré des milliers de victimes, et un quart des quelque 800 000 têtes de bétail de l’État s’est noyé. Le centre de la ville de Sacramento a été submergé par près de trois mètres d’eau boueuse pleine de débris, issus des nombreux glissements de terrain qui se sont produits sur les pentes escarpées de la région. La législature de la Californie, qui siège à Sacramento, a dû déménager à San Francisco en attendant que la ville sèche… six mois plus tard. À ce stade, l’État était en faillite.

Des inondations exceptionnelles

S’il avait lieu aujourd’hui, un épisode météorologique comparable serait dévastateur. Plus de 6 millions de personnes habitent dans la vallée, dont 1,4 million à Sacramento. La production agricole (dont 70 pour cent de la production mondiale d’amandes) est estimée à 20 milliards de dollars par an. Par endroits, le niveau de la terre a baissé de trois mètres en raison du pompage intensif de la nappe phréatique : ces zones sont encore plus exposées aux inondations.

Des météorologues ont récemment modélisé une tempête aussi importante que celle de 1861, mais ne durant que 23 jours. Ils ont conclu que ce fléau causerait 400 milliards de dollars de dégâts matériels et de pertes agricoles. Des milliers de personnes pourraient perdre la vie si les préparatifs et les services d’évacuation n’étaient pas optimaux.

Les inondations de 1861-1862 furent-elles un événement unique ? L’analyse des dépôts de sédiments indique que des inondations catastrophiques de cette ampleur touchent la Californie tous les deux siècles environ depuis au moins deux millénaires. Les précipitations ont touché toute la côte, depuis le Nord du Mexique jusqu’à la Colombie-Britannique, au Canada. Les climatologues font maintenant l’hypothèse que ces inondations ont pour origine des rivières atmosphériques, flux de grandes quantités de vapeur conduisant à des précipitations importantes. La Californie pourrait être bientôt de nouveau touchée par un tel événement météorologique, qui ne se limite pas à la côte Ouest des États-Unis, mais concerne aussi d’autres régions du monde.

L’équivalent de dix Mississippi à un kilomètre d’altitude

Les rivières atmosphériques sont de longs couloirs de vapeur d’eau qui se forment à environ un kilomètre d’altitude. Elles font environ 400 kilomètres de large, mais s’étirent sur des milliers de kilomètres. Ce flux transporte, depuis les tropiques jusqu’aux latitudes moyennes, des quantités d’eau équivalant à 10 ou 15 fois celle contenue dans le Mississippi. Quand l’une de ces rivières atteint la côte Ouest des États-Unis et arrive sur des chaînes montagneuses à l’intérieur des terres, telle la Sierra Nevada, la vapeur s’élève, se refroidit et se condense – d’où d’importantes précipitations.

Les habitants de la côte Ouest de l’Amérique du Nord connaissent depuis longtemps des tempêtes surnommées pineapple express (express ananas), qui se forment sous les tropiques dans la région de Hawaï, et se déversent sous forme de fortes pluies ou neiges pendant trois à cinq jours. Il s’avère que ces pineapple express correspondent à une configuration parmi d’autres des rivières atmosphériques.

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