Réflexion : Yemen une guerre civile qui ne convient ni aux monarques du Golfe, ni à l’Oncle Sam

Avant d’aborder ce qui ressemble bien à une guerre civile au Yemen et une ingérence de ses voisins, jetons un petit coup d’oeil sur les bases américaines au Moyen-Orient. La carte ne descend pas suffisamment bas pour intégrer le Yémen, mais les US y possèdent également une base à Aden. 

Cette carte est parlante : l’on voit bien que partout où ils ont été semer le chaos, l’Empire a  installé ses bases militaires. L’Iran  (en bleu au centre) est totalement encerclée.

Bases américaines au Moyen-Orient (Google images)

A COMPARER AVEC LA RÉPARTITION DES RESSOURCES D’ÉNERGIE : PÉTROLE ET GAZ :

Où se trouve le Yemen ?

 

LES FAITS :

Aden est sur le point de tomber aux mains des miliciens chiites d’Ansarullah. La chute de la ville permettra à l’Iran et les milices chiites alliées à Téhéran de contrôler le détroit d’Hormouz et celui de Bab el-Mandeb, à la sortie de la mer rouge. La chute d’Aden serait un coup dur pour la sécurisation de cette importante voie maritime et la lutte contre les pirates somaliens. Sans compter que, désormais, il n’y a plus au Yémen que les organisations jihadistes d’al-Qaïda et de l’Etat Islamique pour s’opposer aux miliciens chiites. L’Arabie saoudite montre les dents et le sultanat d’Oman peut trembler.

Article intégral :

http://jrbelliard.blog.tdg.ch/archive/2015/03/25/2015-03-25-guerres-dans-le-monde-arabe-265764.html#more

(Transmis par Jean-Michel)

2 AUTRES REGARDS QUE CEUX DES MAINSTREAM :

Yemen: nouvelles perspectives derrière les affrontements sanglants de Sana’a

Après la chute d’un régime qui a duré trente ans, le pays, qui occupe une position stratégique dans la Péninsule arabe, traverse une période de crise économique grave et de nouveaux désordres qui font présager la possibilité d’un changement dans les équilibres existant jusqu’ici entre sunnites et chiites.

Laura Silvia Battaglia | vendredi 19 septembre 2014

Si le Yémen – la terre que le prophète Muhammad admirait pour la pureté de sa foi, et qui, dans une Péninsule arabique cossue, propose encore un modèle d’Islam non contaminé par les pétro-dollars – vacille et penche vers l’hypothèse d’une théocratie de type iranien, alors, il n’y a plus guère de doute : la sectarisation du Moyen-Orient avance. C’est ce qui est en train d’advenir dans le pays le plus pauvre, mais aussi le plus stratégique, de la Péninsule, un pays qui, après trente ans passés sous le régime de Ali Abdullah Saleh, a embrassé en 2011 la voie du Printemps arabe. Cette voie a été ensuite déviée vers la Conférence du Dialogue National pour permettre à toutes les réalités tribales et aux partis de se confronter, de convoquer des élections, d’élaborer une nouvelle Constitution, d’élire un nouveau président.

Mais quelque chose n’a pas fonctionné : le passage de la vieille présidence au nouvel ordre a été lent ; le pays s’est enfoncé dans une crise économique sans précédent, avec une dette extérieure envers le Fonds monétaire international de 7,2 milliards de dollars ; le pouvoir d’achat de la population a baissé ; le chômage des jeunes a augmenté de façon vertigineuse. Et il n’y a pas eu, pour compenser le manque de stabilité, la naissance d’une classe dirigeante transparente. Les yéménites se plaignent toujours de ce que l’on voit se superposer au système tribal le système clientélaire des appareils gouvernementaux : des hommes qui, de la salle des commandes, font entrer des gens dans les ministères, et dans des rôles-clé, non pour leur mérites mais par cooptation.

C’est ainsi sur ce fond de colère croissante que sont venues s’inscrire les pulsions extrémistes mais, curieusement, pas dans la direction que le Printemps arabe local faisait entrevoir. Si, jusqu’en février dernier, la place Tahrir à Sana’a était pleine de manifestants qui montraient les quatre doigts d’une main, proclamant publiquement leur colère (4 se dit Râbi‘a – littéralement quatrième – al-‘Adawiyya, le nom de la place où les Frères musulmans ont été massacrés par l’armée égyptienne le 14 août 2013), aujourd’hui, il n’en reste plus trace. Le soutien manifesté à Morsi, à la révolution égyptienne bloquée dans le sang à Rabi’a al-‘Adawiyya, à l’accélération du pouvoir entre les mains du parti sunnite Islah, à l’accueil de salafistes pakistanais sur le sol yéménite, tout cela a complètement disparu, évanoui au milieu des carrousels de pick up qui proclament les nouveaux vainqueurs moraux, et probablement bientôt matériels, de cette difficile ère de transition.

Les campements improvisés des houthis dans la capitale Sana’a sont le symbole concret du nouveau cours politique ; auparavant, ils se trouvaient en trois zones excentriques de la ville mais, en l’espace d’un mois, ils sont devenus huit et sont arrivés jusqu’à entourer les bâtiments des ministères. Ici, il n’y a que des hommes qui manifestent, alors que lors de la révolution précédente, les femmes avaient joué un rôle de soutien à la manifestation. Les houthis, grande communauté ethnico-culturelle de quelque 5 millions de personnes pour 400 tribus, installées dans le Nord du pays, sont chiites : au IXe siècle, ils refusèrent de reconnaître Muhamad al Baqir comme cinquième imam et élurent le petit Zayd. Maintenant, ils rongent petit à petit terrain et pouvoir au gouvernement central et, pour la première fois depuis 1962, ont pris pied à Sana’a en termes politiques et – dans leur intention – militaires. Les houthis de fait font pression pour pouvoir entrer dans la ville avec des armes mi-lourdes, et n’ont pas adhéré au programme de désarmement sur lequel la Conférence de Dialogue National était tombée d’accord.

Mais qui sont exactement ces houthis chiites ? Comment ont-ils réussi a prendre autant de pouvoir, et pourquoi la population du Nord Yémen, aujourd’hui, est-elle ouvertement de leur côté ?

Pourquoi peut-on parler d’un moment-clé – historique – pour le pays, un moment qui peut être interprété comme le catalyseur de la tentative de chiitisation de la Péninsule arabique ?

Il ne faut pas oublier que jusqu’à présent, la Péninsule a été tenue solidement en main par la tradition sunnite et par les groupes politiques sunnites, sous l’influence de l’Arabie Saoudite et avec la bénédiction des États-Unis. La seule présence « gênante » était constituée par les groupes liés à l’extrémisme islamique, qui s’est transformé en terrorisme combattant avec al-Qaeda d’abord, puis Ansar al-Sharî’a, le groupe qui en 2012 a fait la répétition générale du califat islamique dans la région d’Abyian, avant qu’al-Baghdadi ne le proclame, à cheval entre Syrie et Iraq.

Les houthis jusqu’en 1962 ont eu en main le Nord du pays, Sana’a incluse, avec un imamat qui était l’équivalent de l’émirat sunnite au Sud, à Aden. Le groupe dut renoncer au pouvoir lorsque fut proclamée la République du Yémen du Nord. En 1990, le Nord et le Sud se réunirent en un seul État.

Comme tribu et groupe ethnique, les houthis ont toujours tenu le Yémen du Nord, en particulier la zone de Sa’dah, éprouvée depuis 2004 par une guerre civile douloureuse. Mais c’est au cours de ces deux dernières années précisément, que, profitant d’un vide de pouvoir sensible, les houthis ont pris de plus en plus pied dans le Nord, érodant l’un après l’autre les gouvernorats de al Jawf tout d’abord, puis d’Amran, au contrôle de l’armée gouvernementale, et organisant un système d’institutions parallèles –milices, check points, bureaux, perception des impôts.

Situation qui a entraîné des affrontements graves aussi bien avec l’armée qu’avec le parti sunnite Islah lorsque celui-ci est intervenu pour défendre des réfugiés salafistes pakistanais qui s’étaient installés dans les zones contrôlées par les houthis.

Ce qui semble incompréhensible, c’est comment la population yéménite sunnite, qui il y a un an manifestait sur les places en montrant les quatre doigts de la main tendus, peut être aujourd’hui la même qui, du haut des jeeps, crie « Mort à l’Amérique, mort à Israël » en brandissant trois doigts seulement – pour symboliser le mot « la », c’est-à-dire « non » en arabe, manière pour les houthis de manifester leur opposition au gouvernement actuel.

La majorité de la population yéménite est avec les houthis non parce qu’elle les approuve sur le plan idéologique, mais parce qu’elle apprécie le fait qu’ils sont « contre » à tout prix. Contre le gouvernement du président Abed Rabbo Mansour Hadi, contre la corruption, contre les accords secrets avec les États-Unis, et surtout contre la hausse du prix du pétrole, mesure présidentielle qui a fait bondir le prix du brut de 1500 ryals pour 20 litres à 4000 ryals (de 8,6 euros à 13,8 euros).

La crise du pétrole est donc le cheval de Troie dont les houthis se servent pour pénétrer dans la capitale, essaimant en sit-in, slogans anti-américains et anti-israéliens, et multipliant toute une rhétorique d’opposition et de désobéissance au gouvernement central qui fleure le temps passé.

Il y a deux ans à peine, si l’on avait demandé à des Sanaanis de vieille souche le genre d’estime qu’ils nourrissaient pour les houthis, ils auraient répondu « mafish », « rien », « zéro », assaisonné de mépris.

Deux ans plus tard, sans avoir assumé une alphabétisation politique réelle, il semble que la population, après avoir esquivé la manipulation du Printemps arabe par les Frères musulmans, de la dictature de l’ex-président Saleh soit en train de se tourner vers la théocratie khomeyniste : c’est ce que semblent indiquer les grands premiers plans de Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah au Liban, qui s’étalent sur les tableaux de bord des automobiles ou en vente sur des tréteaux de propagande. Et cela uniquement parce que les houthis sont les seuls à stigmatiser le vide inutile de ces deux années de transition, et qu’ils n’ont pas peur de se prononcer « contre ».

À la fin, les habitants de Sana’a (où se joue l’avenir du pays) pourraient-ils en arriver, sans s’en rendre compte, à remettre le Yémen entre les mains de l’Iran et de sa longa manus, le Hezbollah – si du moins le gouvernement central, l’Arabie Saoudite et les États-Unis le permettent ?

http://www.oasiscenter.eu/fr/articles/revolutions-arabes/2014/09/19/yemen-nouvelles-perspectives-derri%C3%A8re-les-affrontements-sanglants-de-sana-a

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Les USA et les Saoud au secours de Daech et Al Qaeda au Yemen

Dans le monde arabe et musulman, rien de nouveau. On se bat entre Arabes et musulmans au plus grand bonheur de leurs ennemis américains et israéliens. Les USA et les Saoud sont à l’offensive dans tous les pays qui leur résistent principalement en Syrie, en Irak et au Yémen.

En Syrie, les forces saoudiennes attaquent sur 2 fronts : le Nord et le Sud.

Au Nord, la ville loyaliste et majoritairement sunnite d’Idlib est encerclée par des milices liées à Al Qaeda. Ces milices utilisent des armes américaines notamment des missiles TOW pour venir à bout de la résistance de l’armée syrienne et des forces populaires qui défendent leur ville et leurs terres. L’un des commandants Al Qaeda de l’opération d’Idleb est un cheikh saoudien dénommé Abdallah al Mouhaisni.

Au Sud, c’est la ville antique de Bosra al Cham au cœur de laquelle trône un amphithéâtre romain, qui vient de tomber aux mains d’une coalition de groupes djihadistes pilotés par le Front al Nosra, filière d’Al Qaeda en Syrie.

Alors que le commandement US se gargarise de discours antiterroristes, aucun avion de l’Axe US/UE/CCG (*) n’a été aperçu dans le ciel syrien au-dessus d’Idleb ou de Bosra al Cham.

Comme le révèle la dépêche Reuters du 23 mars dernier signée Tom Perry, les armées occidentales ont même intensifié leurs livraisons d’armes à Al Qaeda sur le Front Sud. C’est par la frontière jordano-syrienne que ces armes, pour la plupart offertes par l’Arabie saoudite, le plus grand importateurs d’armes au monde, parviennent à la coalition anti-Assad du Front Sud. Israël n’est pas en reste puisque des sources officielles reconnaissent désormais fournir de l’aide aux forces anti-Assad dont Al Qaeda dans le Mont Bental sur le plateau du Golan (Yaroslav Trofimov, Wall Street Journal, 12 mars 2015).

Ainsi donc, nos belles âmes occidentales éprises d’art et de raffinement, celles-là même qui se lamentent des destructions des musées et du patrimoine de l’Orient par les djihadistes de Daech ont offert à al Qaeda, Bosra al Cham, une ville antique classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.

En Irak, les USA sentent qu’ils perdent pied dans la résistance contre Daech. Forces kurdes, chiites et sunnites appuyées par le voisin et allié iranien ont réussi à former une alliance antiterroriste qui porte ses fruits.

Plusieurs villes et villages des provinces de Salaheddine et Anbar ont ainsi pu être libérés de la présence terroriste. Craignant cette unité supra-ethnique et supra-confessionnelle, l’aviation US a bombardé cette nuit les positions de Daech dans la ville de Tikrit par crainte de perdre pied dans ce pays devenu allié de l’Iran.

Cette intervention US à Tikrit a été conspuée par les milices chiites qui rejettent toute forme d’alliance avec Washington.

Certains miliciens liés à l’Armée du Mahdi de Moqtada Sadr et aux Brigades du Hezbollah irakien ont même décidé de se retirer des combats.

Sur le front de Tikrit, il y a donc non pas assistance comme le laissent entendre de nombreux analystes mainstream mais concurrence entre l’Iran et les USA, un peu comme celle qui exista entre l’Armée soviétique et les troupes du général Patton face à l’Empire hitlérien.

Par hostilité atavique envers l’Iran, les Saoud ont longtemps encouragé Daech. Aujourd’hui, la dynastie wahhabite cultive l’attentisme avec une crainte grandissante face au prestige accumulé par Téhéran parmi les populations de Syrie et d’Irak vivant sous le joug de Daech.

C’est finalement au Yémen, leur arrière-cour, que les Saoud ont décidé de lancer leurs bombardiers contre la résistance anti-Daech.

Naguère terrain d’affrontement entre marxistes et panarabes d’une part et forces réactionnaires pro-Saoud d’autre part, le Yémen est aujourd’hui le théâtre d’une guerre entre les milices houthistes d’inspiration chiite d’une part.

Ces derniers jours, les milices houthistes d’Ansar Allah ont mené une avancée spectaculaire vers Aden, la grande ville du Sud du Yémen où s’est refugié le président déchu et agent soudien Abd Rabbo Mansour Hadi.

Contrairement à ce qu’affirment les médias occidentaux, les milices houthistes ne mènent pas une politique confessionnaliste mais remplissent une mission patriotique.

Malgré leur identité confessionnelle, ils cultivent une vision panislamique et panarabe, gagnant ainsi de la sympathie d’une large frange de l’armée nationale yéménite, y compris de la Garde républicaine et de nombreuses tribus sunnites, ce qui explique leur incroyable progression.

Alors que Daech a massacré près de 200 chiites dans une quadruple attaque kamikaze visant les mosquées vendredi dernier, alors qu’Al Qaeda dans la Péninsule arabique (AQPA) massacre à tour de bras, cette nuit, le régime wahhabite a lancé une opération militaire aérienne contre les forces rebelles du Yémen.

Ce n’est pas le ministre saoudien de la défense, le prince Mohammed Bin Salman ou le Roi d’Arabie saoudite Salman Ben Abdel Aziz qui a annoncé l’entrée en guerre de son pays contre la souveraineté du Yémen mais l’ambassadeur saoudien à Washington. Le scénario est digne d’un film arabe de série B.

Pour l’heure, les médias arabes, notamment Al Mayadeen, parlent d’une vingtaine de civils yéménites massacrés par les bombardements saoudiens.

Du temps du héros tiers-mondiste égyptien Jamal Abdel Nasser, le régime collabo et décadent des Saoud combattait les forces de gauche arabes (marxistes, nationalistes, panarabes) avec l’appui US.

Après avoir détruit les derniers vestiges du socialisme arabe, les Saoud s’en prennent à présent aux seules forces de résistance panarabes encore debout, du Hezbollah libanais à Ansar Allah yéménite en passant par le Baas syrien.

Dans un article alarmiste paru dans le Washington Post le 23 novembre 2012, la secrétaire d’Etat US de l’ère Bush Condoleezza Rice qualifiait l’Iran de « Karl Marx d’aujourd’hui ».

Si l’Iran équivaut à Marx comme l’affirme la fauconne de l’impérialisme US, le régime des Saoud, lui, incarne depuis sa création en 1744 la contre-révolution et la tyrannie d’Adolphe Tiers, le fossoyeur de la Commune de Paris.

Bahar Kimyongür

(*) CCG : Conseil de coopération du Golfe. Alliance regroupant les 6 pétromonarchies du Golfe.

http://www.michelcollon.info/Les-USA-et-les-Saoud-au-secours-de.html

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