Réfléchir : PARDONNER POUR ACCÉDER A LA PAIX

La pratique du pardon est la condition indispensable à la paix :  paix intérieure et paix dans la société.

Il m’a semblé que c’était un sujet de réflexion impératif en ce moment pour tous les hommes de bonne volonté, pour tous ceux qui souhaitent un changement profond et durable de la société, pour ceux également, qui se sentent piégés et sans recours.

Il m’a également semblé utile de faire un tour d’horizon –  (non exhaustif bien sûr, il faudrait une bibliothèque entière pour épuiser le sujet) – des écrits de sagesse de l’humanité.

Il n’y a pas de paix possible sans pardon. C’est ce que prêchaient Gandhi et Martin Luther King deux grands apôtres de la non-violence et de l’agapé :  l’amour désintéressé, divin, universel, inconditionnel.

Pour certaines agressions, certains crimes, l’acte de pardon est tout simplement inimaginable. Il est vécu comme une faiblesse, une soumission, une rédition, et donc une victoire pour l’objet de notre rancœur voire notre haine et les sirènes de la vengeance hurlent à nos oreilles.   Pourtant, quelle force intérieure faut-il avoir pour pardonner l’impardonnable !

Sur le plan du collectif, Il faut des châtiments écrivait Hannah Arendt.

« le châtiment a ceci de commun avec le pardon qu’il tente de mettre un terme à une chose qui, sans intervention, pourrait continuer indéfiniment. Il est donc très significatif, c’est un élément structurel du domaine des affaires humaines, que les hommes soient incapables de pardonner ce qu’ils ne peuvent punir, ce qui se relève impardonnable. C’est la véritable marque des offenses que l’on nomme depuis Kant « radicalement mauvaises », et dont nous savons si peu de chose, même nous qui avons été exposés à une de leurs rares explosions en public. Tout ce que nous savons, c’est que nous ne pouvons ni punir ni pardonner ces offenses, et que par conséquent elles transcendent le domaine des affaires humaines et le potentiel du pouvoir humain qu’elles détruisent tous deux radicalement partout où elles font leur apparition. » (Condition de l’homme moderne – Hannah Arendt).

Si l’on réfléchit à l’histoire de l’humanité, ce point de vue, à priori évident, pose la question de l’efficacité réelle du châtiment.  Les société humaines n’ont pas cessé de punir les offenses individuelles et collectives, soit par la l’escalade de la vengeance, soit par la voie de la justice d’état.  Il ne s’agit pas ici de contester l’utilité de cette dernière qui est une évidence. Cependant,  ces punitions ont-elles jamais vraiment apaisé la rancoeur ? Ont-elles jamais servi d’exemple ?

Ont-elles jamais empêché la répétition des crimes ?

Ont-elles jamais brisé le cercle vicieux de la violence ?

La véritable solution est manifestement ailleurs.

La société étant la somme des individus qui la composent, si nous voulons avancer, changer cette société,  il faut  briser le cycle dévastateur de la violence d’abord sur le plan individuel .  Vu sous cet angle, la résolution du problème est d’une simplicité lumineuse :

Si l’homme était sage, il n’y aurait plus ni violences, ni souffrances.

C’est tellement évident, que ça en semble ridicule.  J’entends certains qui ricanent en murmurant : « Et si ma tante en avait… »

Pourquoi oublions-nous une telle évidence ?

Parce que la violence dans nos interactions humaines et sociales est un magnifique levier de pouvoir et que ce dernier a tout intérêt à ce que nous n’évoluions pas.

Parce qu’elle crée et entretien la séparation, et qu’elle sert le veau d’or

Parce qu’en nous elle satisfait  les forces sombres de l’égo.

Pourtant, nous serions les premiers bénéficiaires, individuellement, de la pratique du pardon, car d’abord, c’est nous qu’il rend libres et apaise. La paix sociale en est sa conséquence.

« le pardon est précisément ce processus qui supprime peu à peu ces barrières, et nous permet de commencer à accepter et même d’aimer ceux qui nous ont blessés. C’est la dernière étape de la libération intérieure. »

Et « pour se pardonner à soi-même, il faut s’accepter tel qu’on est. La perte de la fausse image de soi, qui permettait de se croire supérieur et de cacher ses fragilités et ses fautes, peut réveiller une angoisse et une souffrance intérieure. Nous ne pouvons accepter cette souffrance que si nous découvrons, cachée sous ces masques et ces brisures de notre être, notre vraie personne profonde, plus belle que celle que nous avions imaginée. »(Accueillir, p. 211-212)

Pardonner, « c’est une libération de la prison de nos attirances et de nos aversions, de nos haines et de nos peurs, pour marcher vers la liberté et la compassion. Certes, dans ce processus, il y a, il y aura encore, en nous des inhibitions, des ressentiments et des colères, mais le désir de liberté nous envahit chaque jour d’avantage. » (Accueillir, p. 215)

E.J. Vannier -(Accueillir)

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Un prisonnier dans un camp de rééducation en Chine :

« Pardonner. Je crois bien que c’est la seule arme que nous possédions ; c’est notre seule arme contre l’absurde. Chacun de nous a vécu des choses terribles. (…) Nous savons que nous ne pouvons pas agir comme ceux qui nous ont fait du mal. Avec le pardon, nous savons que nous pouvons rompre l’enchaînement des haines et des vengeances. Nous pouvons prouver que le Souffle intègre persiste dans l’univers. »

(Le dit de Tianyi, p. 341-344) François Cheng

 Le pardon ne demande pas si le crime est digne d’être pardonné, si l’expiation a été suffisante, si la rancune a assez duré…Il n’y pas de faute si grave qu’on ne puisse en dernier recours, la pardonner. Rien n’est impossible à la toute-puissante rémission ! Le pardon, en ce sens peut tout. Là où le péché abonde, dit Saint-Paul, le pardon surabonde…S’il y a des crimes tellement monstrueux que le criminel de ces crimes ne peut même pas les expier, il reste toujours la ressource de les pardonner, le pardon étant fait précisément pour ces cas désespérés et incurables. »

(L’imprescriptible – Jankélévitch)

« Pour l’avoir expérimenté, j’ai appris que nous, les humains, nous possédons une capacité terrifiante à faire le mal. Au long des audiences de la Commission Vérité et Réconciliation, en entendant les atrocités commises par l’homme, la seule façon de continuer était de se dire : par la grâce de Dieu, je vais de l’avant. Dans ce cadre, j’ai aussi découvert l’étonnante capacité des êtres humains à faire le bien. Je pense à ces personnes ayant subi des actes horribles : je m’attendais à les voir rongées par l’amertume, la colère ou la haine. Elles ont fait preuve d’une grandeur d’âme admirable, d’une remarquable volonté de pardon. Pour moi une conclusion s’est imposée : il n’y a aucun avenir sans pardon»

Desmond Tutu président de la Commission Vérité et Réconciliation, chargé de faire la vérité sur les crimes de l’apartheid en Afrique du Sud. (Echo magazine, 9.12.99, p. 15)

 

QUE DIT LA SPIRITUALITÉ  ?

Chrétiens :

« Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense aurez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Et si vous ne saluez que vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? Vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. »
Mat 5, 43-48

« Une paix véritable n’est possible qu’à travers le pardon. (…)  La paix durable ne se résume pas à une question de structures, et de mécanismes. Elle repose avant tout sur un style de cohabitation empreint d’acceptation mutuelle capable de pardon. Nous avons tous besoin du pardon de nos frères et sœurs ; il nous faut donc prêts à pardonner aussi. Demander et accorder le pardon, voilà des actes qui sont le reflet de la profonde dignité de l’être humain. C’est parfois l’unique chemin qui permet de sortir de situations caractérisées par une haine ancienne et féroce » (Cœur en alerte, jan. 2000 p. 11) Jean-Paul ii

Dans le Nouveau Testament, on trouve le mot grec Agapè pour désigner l’amour. C’est l’amour débordant qui ne demande rien en retour. Les théologiens diraient qu’il s’agit de l’amour de Dieu à l’œuvre dans le cœur humain. Lorsqu’on s’élève jusqu’à aimer ainsi, on aime tous les hommes, non parce qu’on éprouve pour eux de la sympathie, non parce qu’on apprécie leur façon d’être, on les aime parce que Dieu les aime. Tel était le sens de la parole de Jésus Aimez vos ennemis. Et pour ma part, je suis heureux qu’il n’ait pas dit : « Ayez de la sympathie pour vos ennemis » parce qu’il y a des personnes pour lesquelles j’ai du mal à avoir de la sympathie.
La sympathie est un sentiment d’affection, et il m’est impossible d’avoir un sentiment d’affection pour quelqu’un qui bombarde mon foyer. Il m’est impossible d’avoir de la sympathie pour quelqu’un qui m’exploite. Il m’est impossible d’avoir de la sympathie pour quelqu’un qui m' »écrase sous l’injustice. Non, aucune sympathie n’est possible envers quelqu’un qui, jour et nuit, menace de me tuer.
Mais Jésus me rappelle que l’amour est plus grand que la sympathie, que l’amour est une bonne volonté compréhensive, créatrice, rédemptrice, envers tous les hommes.
Martin Luther King (1929-1968), La seule révolution, Casterman, 1968. (2)

 

Musulmans

L’Islam est une religion fondée sur le Pardon , le don de soi et l’altruisme : un bon musulman n’est-il pas généreux? un bon musulman n’accorde-il pas son pardon alors qu’Allah est Miséricorde…?

Allah dit :

«Qu’ils pardonnent et qu’ils absolvent! N’aimez-vous point vous-mêmes que Dieu vous absolve? Et Allah est Pardonneur et Miséricordieux. »

( sourate 24  An-Nur, V 22)

Umar ibn Al-khattâb (qu’Allah soit satisfait de lui) a dit:

On amena au Prophète saws1.gif des captifs de guerre parmi lesquels se trouvait une femme en train de chercher un nourrisson captif. Quand elle le trouva, elle le pressa contre sa poitrine et l’allaita. Alors le Prophète saws1.gif nous dit: « Pensez-vous que cette femme pourra jeter son enfant dans le Feu? ». – « Non, répondîmes-nous, elle ne l’y jettera certainement jamais tant qu’elle aura le pouvoir de ne pas l’y jeter ». Le Prophète saws1.gif dit alors: « Certes Allah est encore plus Miséricordieux envers Ses Serviteurs que cette femme envers son enfant ».

Allah Le Très-Haut élèvera le degré de celui qui pardonne pour l’amour de Lui. [Muslim]

Sourate 7 (Al-Araf) – verset 199:

«Exige ce qui est aisément supportable, ordonne le bien communément reconnu comme tel et détourne-toi des insensés».

Sourate 15(Al-Hijr) – verset 85:

«Pardonne -leur donc d’un beau pardon ».

Sourate 3( Al-imran) – verset 134:

«Qui dépensent dans l’aisance et dans l’adversité, qui dominent leur rage et pardonne à autrui- car Allah aime les bienfaisants ».

Sourate 42( Achoura) – verset 43:

«Et celui qui se montre endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires».

Dans la  Sourate 12 ( Yusuf) verset 92 , le Très Haut nous rappelle une parole de notre Prophète Yusef -Sws-:

A la fin de l’histoire, lorsque le Prophète Yoûssouf (‘alayhissalâm) revoit ses frères – ces frères qui ont eu l’intention de le tuer, qui l’ont jeté petit, qu’il était dans les profondeurs d’un puits, ces frères par la méchanceté desquels il a été vendu comme une vile marchandise à un vil prix, ces frères par lesquels il a été séparé de ceux qu’il aimait : ses parents -, et bien en s’adressant à eux, il leur dit tout simplement :

« Pas de reproche contre vous aujourd’hui. Qu’Allah vous pardonne. C’est Lui Le Plus Miséricordieux des Miséricordieux » (3)

juifs :

Le pardon implique des conditions précises : je dois demander pardon à celui que j’ai offensé, lésé ou blessé ; il doit accepter ma demande ; il doit m’en pardonner, c’est-à-dire « recouvrir » l’offense, la lésion ou la blessure par une parole qui l’apaise et qui m’apaise. Dieu alors peut m’en pardonner. Or ces conditions sont extrêmement difficiles, ainsi, pour la première, même si je demande pardon à mon prochain d’une faute que j’ai commise à son égard, je ne suis pas sûre du tout de mesurer l’impact de ma faute sur lui. Ma violence envers lui, par exemple, a pu avoir des conséquences que j’ignore sur l’estime où il est de lui-même, sur sa propre conduite envers ses proches, sur la douleur qu’il a pu transmettre à ses enfants etc. Pour la seconde, celui qui dit me pardonner – même s’il le fait très sincèrement, sans arrière-pensée – ne peut pas, pour autant, me pardonner les conséquences que ma faute a eu sur ses proches car c’est à eux – et à eux seuls – de le faire. Il n’y a pas de pardon par procuration et il y a de l’impardonnable aussi si la victime n’est plus là. Dès lors l’apaisement des uns et des autres reste très précaire, voire impossible, et Dieu continue d’attendre pour pouvoir nous pardonner car Il ne peut prendre son parti des fautes envers notre prochain lorsqu’elles restent sans réparation. Il ne s’arrange pas des souffrances restées inconsolées. (4)

 

Bouddhistes

La loi du karma, loi de causalité, naturelle, que l’on constate mais qui nest pas une justice divine, veut que tout acte ait sa rétribution, sous forme de bonheur pour les actes positifs, sous forme de souffrance pour les actes négatifs. Cette rétribution est automatique, nul ne peut y échapper. Néanmoins, l’énergie engagée dans les actes, positifs ou négatifs, n’est pas infinie, elle s’épuise. Doù l’impermanence. Nous ne connaissons pas notre karma et ne sommes donc jamais sûrs d’obtenir ni conserver une existence favorable. Notre karma évolue en fonction des actes nouveaux que nous accomplissons. Il n’est pas une fatalité. A ce sujet, le Bouddha a dit : Si vous voulez connaître vos existences passées, considérez votre situation présente ; si vous voulez connaître vos existences futures, considérez vos actes présents (ceux du corps, de la parole et de l’esprit).

Cette libération exige la compassion universelle, au point que les bodhisattvas subordonnent leur entrée en nirvana à la libération de tous les êtres. Nous sommes au cœur de la question. Si l’on réagit par la haine ou la violence à l’injure, au crime, à la souffrance qui nous sont infligés, nous nouons et renforçons des liens karmiques négatifs qui iront croissant sans cesse, aussi bien pour nous que pour le coupable. C’est l’entraînement assuré vers les renaissances inférieures. La vengeance relève de la haine-aversion, l’un des trois poisons fondamentaux de l’esprit, les deux autres étant le désir-attachement et la stupidité.

D’un côté, l’exigence de pardon et de réconciliation est moins dramatique dans le bouddhisme que dans les religions du Livre puisque tout acte peut toujours être transcendé. D’un autre côté, il a des conséquences incommensurables, pouvant s’étendre à un nombre infini d’existences et, de plus, être contagieux. Le pardon est donc la seule solution raisonnable, rationnelle. Le coupable subira la rétribution de son acte. Nul n’y peut rien. Mais, s’il est pardonné, la chaîne des actes négatifs consécutifs à la faute sera rompue. Quant à celui qui aura pardonné, non seulement il évitera toute conséquence négative pour lui-même, au contraire, il développera sa compassion qui relève de sa nature ultime de Bouddha, et se rapprochera de l’Eveil. (5)

Nouvelle théologie christique du pardon

Cet enseignement, qui se défend d’être New Age, est d’un accès assez difficile en ce qu’il demande d’abandonner nos références, jugées erronées. Il est basé sur la pratique quotidienne, progressive mais sans concession du pardon et propose les outils pour y arriver.

Pour ce cours, qui d’adresse à l’individu et non à l’ensemble, la réalité psychotique dans laquelle nous vivons n’est qu’une illusion. De ce fait, ce que nous vivons individuellement ne peut-être que le reflet de ce que nous sommes, individuellement. 

En nous guérissant par la pratique du pardon pour nous et pour les autres, (les deux étant liés), en demandant  avec l’aide de l’Esprit Saint – qui est le lien d’amour permanent et accessible entre Dieu et  nous, –  nous  nous libérons de cet enfermement et des souffrances dans lesquelles nous tient prisonniers  l’illusion que nous sommes séparé du divin et pouvons atteindre l’illumination, vrai sens de la résurrection chrétienne.

(Cf : »Un cours en Miracle » et « Et l’univers disparaîtra  de  Gary Renard qui est une bonne introduction) – Dans la même veine, plus accessibles :  (Le livre Findhorn du pardon) (Conversations avec Dieu  – Neale Donald Walsh)

 

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Sources :

http://philosophie.initiation.cours.over-blog.com/article-le-pardon-sous-l-angle-de-la-philosophie-41922080.html

(1)  http://www.cenaclesauges.ch/diary9/18LePardonConditionDeLaPaix.htm

http://www.kobayat.org/data/documents/spirituality/nassim_kastoun/aimez_ennemis.htm

(2) http://www.spiritualite-chretienne.com/misericorde/pardon-05.html

(3) http://rhiz.unblog.fr/lislam-ou-la-voie-du-pardon/

(4) http://www.massorti.com/Le-pardon-dans-le-judaisme

(5) http://www.buddhaline.net/Pardon-et-reconciliation-dans-le

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Enfin, le discours  de Marthin Luther King : »Aimer nos ennemis » (en anglais) publié ici :

http://leblogalupus.com/2015/01/20/hier-aux-etats-unis-etait-le-jour-de-la-celebration-du-docteur-king-mlk-par-bruno-bertez/

Merci à Jean-Michel qui m’a transmis le lien et donné l’idée de cet article.

Galadriel