Conversion : A Perpignan, l’ex-ingénieur du métro devenu paysan boulanger

Après avoir travaillé pendant onze ans comme géologue à la RATP, à Paris, Fabien Forgues a voulu changer de vie. Avec sa femme et ses enfants, il est parti s’installer à Perpignan comme paysan boulanger. Une reconversion qui lui permet de renouer le lien avec la terre.

Un ingénieur parisien peut-il devenir boulanger à la campagne ? « Oui  », répond fièrement Fabien Forgues, « à condition qu’il n’hésite pas à mettre la main à la pâte ! » Géologue dans le métro parisien, cet homme de 37 ans a quitté Paris avec sa compagne (médecin) et ses trois jeunes garçons il y a deux ans pour s’installer dans sa ville natale de Perpignan (Pyrénées-Orientales). « J’éprouvais une certaine lassitude dans mon travail de bureau et je supportais de moins en moins la vie parisienne », explique ce néo-rural qui est toujours resté attaché à la terre. Son travail de géologue en témoigne.

Après avoir participé à plusieurs stages de reconversion et effectué de nombreuses démarches administratives, « un vrai parcours du combattant », ce jeune père de famille ne pratique plus un, mais deux, voire trois métiers ! « Devenir paysan boulanger, bio de surcroît, nécessite des compétences à la fois agricoles et artisanales. Tout comme le métier d’agriculteur ne s’improvise pas, le métier de boulanger requiert de nouveaux et nombreux savoir-faire. » Cultiver son blé, moudre le grain, fabriquer son pain, le vendre sur les marchés : cette activité, taillée pour des passionnés accrocheurs, est exemplaire d’un circuit de production ultra-court.

Une activité qui se révèle être de plus en plus attirante pour nombre de candidats à l’installation agricole. « La surface nécessaire est beaucoup moins importante que pour un céréalier classique, la transformation en pain permettant une très bonne valorisation du blé », explique Fabien Forgues. Les coûts d’investissement peuvent être élevés car l’activité implique d’être équipé au niveau du matériel de production agricole, du stockage, de de transformation en farine (meunerie) et de transformation en pain (boulangerie). Mais ils peuvent être assez rapidement rentabilisés.

En cours d’installation, Fabien Forgues est fermier sur des terres (un bail d’une quinzaine d’hectares) mises à sa disposition par Emmaüs Catalogne, à quelques kilomètres au sud de Perpignan. Il cultive des variétés de blé anciennes et rustiques, en agriculture biologique, en rotation avec d’autres cultures complémentaires et bientôt dans des parcelles agro-forestières. Moulin à meules de pierre pour la farine et four à granules de bois pour la pain. « Être paysan boulanger, dit-il, c’est travailler des farines qui n’existent pas dans le monde de la boulangerie, c’est faire du pain deux ou trois fois par semaine, parce que le travail de la ferme est là au quotidien. C’est cultiver des variétés de blés adaptées à sa propre terre, à son terroir, utiliser pour cela des variétés, dont les valeurs nutritives sont élevées et pour lesquelles le travail de mécanisation proposé dans la boulangerie conventionnelle, n’est pas adapté. »

Comme la plupart des paysans boulangers, Fabien souhaite vendre son pain en AMAP ou sur les marchés pour être dans une relation directe avec les consommateurs, en transparence sur la production de nourriture. Avec Jeanne-Marie, sa compagne, ils réhabilitent une bâtisse agricole en logement et fournil, avec le maximum de matériaux naturels. La toiture va accueillir des panneaux photovoltaïques, installées et gérées par l’association Cat’Ener qui fait partie du réseau Energie partagée.

Pour trouver du soutien et participer à un mouvement collectif, Fabien Forgues s’est aussi engagé dans l’association Terre de liens qui, par l’épargne citoyenne, permet de préserver les terres, « bien commun de l’humanité », et aide les paysans à s’installer ou à maintenir leur activité. Le groupe local des Pyrénées-Orientales envisage de lancer une collecte pour l’achat de la première ferme Terre de liens du département : la ferme de Serrabone, dans un endroit typique de la région, proche d’un lieu culturel et touristique (le prieuré de Serrabone), où est installé un couple d’entrepreneurs ruraux, avec de beaux projets : fromage caprin, culture de plantes aromatiques et application de la permaculture, une technique écologique qui réduit au minimum l’intervention humaine et permet une fertilité naturellement renouvelable.

« Ces dernières décennies, nous avons trop malmené la terre », soupire Fabien Forgues qui dénonce l’agriculture intensive issue du modèle productiviste. « Si nous continuons ainsi, nous irons droit dans le mur. Mon nouveau choix de vie, devenir paysan boulanger, n’est pas seulement une question d’épanouissement personnel. C’est aussi, pour moi, une manière d’être cohérent avec mes convictions les plus profondes. Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, disait Saint-Exupéry, nous l’empruntons à nos enfants. C’est bien pour eux, pour mes enfants, que j’ai choisi de changer de vie. »

 

Plus d’infos

Terre de Liens Languedoc-Roussillon, 25 rue Croix Haute, 30170 St-Hippolyte-du-Fort. Tél : 09 70 20 31 18 – Mail : fforgues@free.fr / Site : www.terredeliens.org

SOURCE :

http://www.lavie.fr/solidarite/carnets-citoyens/a-perpignan-l-ex-ingenieur-du-metro-devenu-paysan-boulanger-28-10-2014-57320_459.php