CHANGER, oui, mais demain ?

Il n’y a plus de doute, à plus ou moins court terme, nous allons devoir faire face à une modification de la société telle que nous avons connue, et ce, sur tous les plans. Le processus a déjà démarré et seule l’illusion que la pression est encore à peu près tolérable pour la majorité, masque ce fait et la laisse dans un attentisme frileux.

Car, enfin si nous regardons les choses froidement nous sommes réellement de la naissance à la mort les esclaves d’un système qui décide de tout pour nous, qui contrôle tout, manipule nos esprits,  contrairement à ce qu’elle prétend ne respecte pas la dignité de la personne humaine, choisit de nous laisser vivre ou mourir,(santé, guerres, misère)  établit des péages pour chaque geste de la vie quotidienne pour s’engraisser jusqu’à une obésité obscène.

Les élections telles que pratiquées dans les soit-disant démocraties occidentales sont une bouffonnerie utilisée par le pouvoir pour non seulement le garder ad vitam aeternam, mais surtout et c’est là que c’est très fort,

nous rendre responsables des choix qu’eux font contre nos intérêts.

Voici ce qu’en disait Elysée Reclus, en 1885 (1)  à propos du système électoral dans lequel nous sommes toujours :

« Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.

Voter c’est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l’honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l’homme change avec lui. Aujourd’hui, le candidat s’incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres. L’ouvrier, devenu contre-maître, peut-il rester ce qu’il était avant d’avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n’apprend-il pas à courber l’échine quand le banquier daigne l’inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’honneur de l’entretenir dans les antichambres ? L’atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s’ils en sortent corrompus.

N’abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d’action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c’est manquer de vaillance.

Je vous salue de tout cœur, compagnons .

Élisée Reclus. »

Comme vous le voyez, il n’a pas été entendu.

Aujourd’hui, nous avons internet, nous pouvons établir des réseaux dans le monde entier, nous pouvons nous contacter quasiment sur le champ, nous avons des outils matériels et les leçons de l’histoire pour nous aider. Profitons de cette modernité qui nous rend esclaves pour en faire un outil de libération.

Pour ceux qui acceptent de prendre en considération les nombreux signaux politiques, économiques, sociétaux qui nous sont envoyés, une question troublante et paralysante occupe l’esprit :  Retrouver notre liberté, oui, mais vers quel avenir ?

Une, parmi les solutions que je trouve intéressantes et qui, de mon point de vue, mérite d’être plus connue, est celle d’une démocratie directe élisant ses représentants par tirage au sort.

Battue en brèche voire ridiculisée par les caciques d’un pouvoir très sûr de lui  qui en ricane, cette proposition ne manque pas d’arguments :

La constitution est rédigée par des assemblées populaires constituantes. C’est la majorité populaire qui décide ce qu’elle désire pour son bien, et pas une élite autoproclamée « supérieure ».

La remise des clés du pouvoir est drastiquement encadrée. Les élus sont là pour accomplir un devoir précis. Tout soupçon sérieux de corruption entraîne de facto la perte de leur fonction et si il est confirmé, leur rééligibilité.

Difficile de dire en deux lignes ce qui ferait l’objet d’un livre.

Voici quelques éléments explicatifs  qui vous permettront d’y réfléchir.

La seule véritable difficulté  que je vois à ce système, c’est qu’il demande une vraie motivation, un véritable engagement individuel et collectif, un véritable amour de l’humanité et de la création dans son ensemble ainsi que le désir d’un bonheur partagé par tous.

L’obstacle essentiel est donc dans l’individualisme (soigneusement cultivé par nos médias) de notre société.

Travaillons à atteindre le point de bascule, créons des égrégores positives en rassemblant les hommes et femmes de bonne volonté et surtout, intérieurement, ne lâchons rien. Si nous abdiquons, nous mourrons, et si ce n’est nous ce seront nos enfants.  (cf l’article de prospective à la une).

Alors, n’abdiquons pas.

Galadriel

S’ENTRAÎNER À PENSER UNE CONSTITUTION

Qu’est-ce qu’un « atelier constituant » ?

Un « atelier constituant » est une séance pratique, au cours de laquelle on s’entraîne — personnellement et réellement, seul ou à plusieurs — à écrire des articles de notre constitution.

C comme Constitution, C comme Citoyen :

L’idée du « Plan C », c’est que « ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir ». Nous n’avons PAS de Constitution parce que NOUS la laissons écrire par les professionnels de la politique (qui sont précisément ceux qui ne devraient PAS l’écrire, puisqu’ils devraient la craindre). Nous n’aurons de constitution QUE QUAND nous l’écrirons NOUS-MÊMES. La proposition, simple et forte, est donc, de façon autonome, sans rien demander à personne, de devenir capables d’instituer nous-mêmes notre puissance politique, en écrivant d’abord (et en protégeant ensuite) nous-mêmes une Constitution d’origine Citoyenne.

Il s’agit donc, radicalement, de prendre nos problèmes économiques et sociaux à leur racine, et il se trouve que cette racine est commune : nous avons une cause commune, c’est notre impuissance politique.

Les ateliers constituants sont donc la mise en pratique de la proposition théorique du Plan C, pour démontrer et rendre sensible 1) que c’est possible, et 2) que c’est beaucoup mieux : des humains dont ce n’est pas le métier peuvent très bien écrire eux-mêmes les règles supérieures qui instituent des pouvoirs publics (parlement, gouvernement, justice, médias et banques), et surtout des contre-pouvoirs (séparation des pouvoirs, rotation des charges, chambres de contrôle tirées au sort, révocabilité des acteurs, reddition des comptes et référendums d’initiative populaire). Non seulement les simples citoyens peuvent le faire, mais ils sont les seuls à pouvoir le faire correctement : les professionnels de la politique, eux, sont en conflit d’intérêts dans le processus constituant.

Sur le plan pratico pratique, c’est très simple : il suffit d’apporter de quoi écrire ; peut-être aussi des marqueurs et des grandes feuilles pour afficher au mur la synthèse de chaque atelier (pour la mise en commun à la fin)… N’importe qui peut faire un atelier constituant, n’importe où et n’importe quand : il suffit d’en avoir envie.

Au plan individuel (et intérieur), cet entraînement pratique rend possible et enclenche une mutation fondamentale : un atelier constituant transforme un électeur constitué (un enfant politique) en citoyen constituant (un adulte politique). Et en prenant nos problèmes par ce bout-là, nos utopies deviennent des projets politiques ; ce que nous prenions pour des obstacles insurmontables disparaît. Essayez, vous verrez, c’est enthousiasmant :o)

Étienne Chouard.

PS : merci au jeune Krapo, pour ses dessins, patiemment travaillés avec une bande de virus.

 COMPRENDRE LE TIRAGE AU SORT :

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2011/04/27/123-centralite-du-tirage-au-sort-en-democratie

Élection vs tirage au sort : l’objection de la GRANDE TAILLE du pays

http://chouard.org/blog/2014/11/01/election-vs-tirage-au-sort-lobjection-de-la-grande-taille-du-pays/

Élection vs tirage au sort : l’objection de la CORRUPTION

http://chouard.org/blog/2014/11/01/election-vs-tirage-au-sort-lobjection-de-la-corruption/

Élection vs tirage au sort : l’objection de la COMPÉTENCE

http://chouard.org/blog/2014/11/02/election-vs-tirage-au-sort-lobjection-de-la-competence/

 

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(1) A propos d’Elysée Reclus :

Grand géographe, libertaire, anarchiste, humaniste et profondément anti-religieux,  ce grand bonhomme était aussi franc-maçon, nobody is perfect. (Je le signale avant que cela n’apparaisse dans les commentaires).

« Le 11 mars 1858, Élisée Reclus est initié en franc-maçonnerie à la loge Les Émules d’Hiram du Grand Orient de France à Paris13,31,10,32. Son frère Élie déjà initié à la loge Renaissance est présent.

Élisée se contente de l’initiation33. Au bout d’un an, il s’en détache et ne fréquente, à nouveau, les loges que lors de son dernier exil à Bruxelles, pour y donner de nombreuses conférences sur l’anarchie13,34. Même s’il ne fut jamais un franc-maçon actif, sa présence à Bruxelles en 1894, a une importance déterminante sur la Maçonnerie belge, et notamment sur la loge Les Amis philanthropes35. »

Citations que nous pouvons garder dans un coin de notre esprit :

A propos de révolution :

« L’équilibre rompu d’individu à individu, de classe à classe, se balance constamment autour de son axe de repos : le viol de la justice crie toujours vengeance. De là, d’incessantes oscillations. Ceux qui commandent cherchent à rester les maîtres, tandis que les asservis font effort pour reconquérir la liberté, puis, entraînés par l’énergie de leur élan, tentent de reconstituer le pouvoir à leur profit. Ainsi des guerres civiles, compliquées de guerres étrangères, d’écrasements et de destructions, se succèdent en un enchevêtrement continu, aboutissant diversement, suivant la poussée respective des éléments en lutte.Ou bien les opprimés se soumettent, ayant épuisé leur force de résistance : ils meurent lentement et s’éteignent, n’ayant plus l’initiative qui fait la vie ; ou bien c’est la revendication des hommes libres qui l’emporte, et, dans le chaos des événements, on peut discerner de véritables révolutions, c’est-à-dire des changements de régime politique, économique et social, dus à la compréhension plus nette des conditions du milieu et à l’énergie des initiatives individuelles. » (L’Homme et la Terre, préface du tome I, 1905)

« Il est cependant des esprits timorés qui croient honnêtement à l’évolution des idées, qui espèrent vaguement dans une transformation correspondante des choses, et qui néanmoins, par un sentiment de peur instinctive, presque physique, veulent, au moins de leur vivant, éviter toute révolution. Ils l’évoquent et la conjurent en même temps : ils critiquent la société présente et rêvent de la société future comme si elle devait apparaître soudain, par une sorte de miracle, sans que le moindre craquement de rupture se produise entre le monde passé et le monde futur. Êtres incomplets, ils n’ont que le désir, sans avoir la pensée ; ils imaginent, mais ils ne savent point vouloir. » (L’évolution, la révolution et l’idéal anarchique, 1902)51.

ET UNE, PLUS COURTE, QUE J’AIME BIEN :

« C’est dans la famille surtout, c’est dans ses relations journalières avec les siens que l’on peut le mieux juger l’homme : s’il respecte absolument la liberté de sa femme, si les droits, la dignité de ses fils et de ses filles lui sont aussi précieux que les siens, alors la preuve est faite ; il est digne d’entrer dans une assemblée de citoyens libres ; sinon, il est encore esclave, puisqu’il est tyran. » L’Homme et la Terre, 1905

http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lis%C3%A9e_Reclus#.C3.89lis.C3.A9e_Reclus_et_la_franc-ma.C3.A7onnerie
Nota : Cet article a pour seul objet de susciter une réflexion chez le lecteur. Il n’engage que son auteur.