Les luttes populaires peuvent l’emporter, le message espagnol

Descendre dans la rue n’est pas vain. Les espagnols ont organisé – tous lieux comptabilisés –  6000 manifestations en 2013 ! (Chaque manifestation est comptabilisée géographiquement pour le même thème). La motivation est sans doute plus grande quand la crise frappe plus fort.. Ayant plus de chômage, plus de misère, sans doute aussi qu’il y a plus de colère et de personnes disponibles.. Mais nous avons les week-end et ce ne sont pas les sujets qui manquent. Aurions-nous moins de courage ?

Alors, oui, tous ensemble nous pouvons faire bouger les choses. , agissons avant que le totalitarisme rampant qui s’installe ne nous ligote et nous conduise à la violence du désespoir.

En Espagne, citoyens ou travailleurs ont remporté des combats ces derniers mois dans les secteurs de la santé, des déchets, du logement ou contre un grand projet inutile. Ce qui prouve que, même si le système de pouvoir est très fort, cela vaut le coup de se battre.

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On nous le répète sur tous les tons : « Lutter ne sert à rien ». « Tant d’années de crises et tant de protestations, et tout ça pourquoi ? », insistent d’autres, inoculant ainsi l’apathie et la résignation. « Ce qui viendra après pourrait être pire encore » dit la machinerie de la peur. Ils nous veulent soumis, tête baissée. Interdiction d’avoir des rêves de changement.

Néanmoins, l’histoire se rebelle, indomptable. Et elle nous montre, en dépit de certains, que la lutte paie. La victoires contre la privatisation de la santé publique à Madrid, la lutte des voisins de Gamonal, celle des travailleurs du secteur du nettoyage de la Municipalité de Madrid, et le combat contre les expulsions de locataires en sont de bons exemples.

Il n’est pas facile d’obtenir des victoires concrètes quand la politique politicienne trahit nos droits et se vend au capital. Difficile de vaincre, quand l’appareil d’Etat défend ceux qui ont le plus et brise les droits et les libertés démocratiques. Tâche ardue que celle du changement quand les médias sont aux mains d’intérêts privés. Mais, malgré tout cela, il y a des victoires, petites et grandes, qui nous montrent la voie.

Abandon de la privatisation d’hôpitaux publics

La marche arrière des autorités de la Communauté de Madrid dans leur volonté de privatiser six hôpitaux publics en est une. Ces autorités se sont vues forcées d’abandonner ces « externalisations » après quinze mois de protestations et la décision du Tribunal Supérieur de Justice de Madrid de suspendre préventivement ce processus de privatisation car il pourrait supposer des « dommages graves et irréparables ».

Ce furent des mois de manifestations, de grèves, un référendum populaire avec près d’un million de votes contre ces mesures, l’occupation d’hôpitaux, des plaintes judiciaires… Un triomphe qui a emporté le principal promoteur du projet, le conseiller à la santé Javier Fernández-Lasquetty, obligé de démissionner. La lutte paie !

Gamonal, autre grande victoire

A Burgos, après un peu plus d’une semaine d’intenses protestations entre le 10 et le 17 janvier contre la construction d’un boulevard dans le quartier de Gamonal, le maire de la ville, Javier Lacalle, n’a pas eu d’autre choix que de cesser définitivement les travaux.

Le conflit venait cependant de plus loin. Un chantier coûteux, avec des profits juteux pour les entreprises de la construction et les politiciens en place, dans un quartier manquant cruellement d’équipements et d’investissements. Le conflit « urbanistique » de Gamonal s’est transformé en fer de lance de la lutte contre la corruption, la spéculation immobilière et la crise. Des manifestations dans tout l’Etat espagnol ont exprimé la solidarité avec les habitants de ce quartier. Ni les tentatives de criminalisation, ni celles de désinformation n’ont pu en finir avec eux. La lutte paie !

Madrid, grève dans le secteur du nettoyage

Treize jours de grève et des tonnes d’ordures dans tout Madrid ont été nécessaires pour éviter 1 134 licenciements dans le secteur du nettoyage de la voirie, des parcs et des jardins, de la Municipalité de Madrid. Une grève illimitée qui a mis dans les cordes la direction, qui voulait non seulement jeter à la porte des centaines de travailleurs mais aussi raboter de 43% leurs salaires.

Au final, une victoire partielle car les travailleurs ont dû accepter une procédure de suspension des contrats de travail de 45 jours par an et par travailleur ainsi que le gel des salaires jusqu’en 2017. Mais, même ainsi, cela n’enlève rien au mérite d’une grève illimitée, tristement inédite par les temps qui courent, et qui est parvenu à préserver tous les postes de travail. La lutte paie !

Le combat contre les expulsions de locataires constitue sans aucun doute jusqu’ici la plus forte expression de résistance collective face à la crise. Contre l’avarice sans limite des banques, il y a l’auto-organisation d’en bas à travers la Plateforme des Victimes des Hypothèques (PAH).

Tout au long de ces quatre dernières années, elle est parvenue à stopper 936 expulsions et à reloger 712 personnes dans des immeubles vides d’entités financières, aujourd’hui occupés par l’œuvre Sociale de la PAH. Elle est également parvenue à négocier avec des banques des centaines de compromis de paiement et de loyers sociaux. Certains diront que c’est peu en comparaison avec l’offensive globale. C’est clair. Néanmoins, demandez-le à toutes ces personnes qui, grâce à la PAH, ont un toit sous lequel vivre. La lutte paie !

Depuis l’émergence du Mouvement du 15-M, nous sommes passés du slogan « Ils ne nous représentent pas ! » à « Oui, on peut ! ». Nous avons récupéré la confiance en nous-mêmes. L’offensive du capital ne s’arrête pas, mais l’indignation, le ras-le-bol et la désobéissance augmentent. Les victoires sont le carburant nécessaire pour en obtenir d’autres encore. La lutte est indispensable pour changer les choses. Prenons-en bonne note : si on lutte, on peut gagner


Source et photo chapô : Esther Vivas blog

Photo article : Le Monde.fr

SOURCE : reporterre.net