La fable du « ruissellement »

Cette vielle théorie, chère aux libéraux et aux capitalistes de tout crin, qui voudrait que « plus les riches s’enrichiront, moins les pauvres le seront  », le débordement de la richesse leur étant bénéfique, a fait son temps…

Cette théorie aurait été imaginée par un certain Will Rogers, acteur dans de nombreux westerns, qui déclara, au sujet des baisses d’impôts décidées par le Gouvernement d’Herbert Hoover, en 1928 : «  on a mis tout l’argent en haut de l’échelle, en espérant qu’il finisse par ruisseler vers les nécessiteux. Monsieur Hoover (…) ne savait pas que l’argent ruisselle toujours vers le haut  ». lien

 

On sait aujourd’hui, et depuis un certain temps, ce qu’il en est, puisque la France d’aujourd’hui regorge de riches de plus en plus riches, des pauvres toujours plus pauvres, entrainant dans leur chute la classe moyenne.

 

L’année 2013 a été l’occasion de faire ce constat accablant, révélé en juillet 2013 par la revue Challenges publiant le classement des 500 plus grosses fortunes de France (lien) prouvant que l’écart entre riches et pauvres n’en finit pas de se creuser, illustré par le film de Michel Munz « ah ! Si j’étais riche  » : dans un échange savoureux : « finalement, quand on est riche, ça ne s’arrête jamais ? Rassurez-vous, c’est pareil quand on est pauvre ». lien

 

Aujourd’hui, 500 français se partagent un gâteau de 350 milliards, et 2013 compte 10 milliardaires de plus qu’en 2012, portant leur nombre à 55…

 

Si la moitié du patrimoine des 500 plus grosses fortunes françaises était distribués aux 2,7 millions d’enfants qui vivent dans les familles pauvres, ils recevraient chacun 61 000 euros.

 

En 1996, le capital des 10 français les plus riches représentaient 25% du patrimoine des 500 plus grosses fortunes…en 2013, il en représente 40%…

 

Etonnante situation sous une présidence se prétendant socialiste, avec à la tête de l’état un homme qui affirmait, droit dans ses bottes, avant son investiture : «  mon adversaire, c’est le monde de la Finance  ». lien

 

On ne demande qu’à le croire, mais quasi au 1/3  de son mandat, on serait en droit de douter de la parole présidentielle.

 

Rien ne l’empêche aujourd’hui de légiférer sur la séparation des banques de dépôt, et des banques d’affaires…ni de décider, comme il le voulait, une échelle de salaire qui ne dépasse pas de 1 à 20 alors qu’elle est aujourd’hui de 1 à 400lien

 

Et quid de la taxe à 75% sur les plus hauts salaires, de la fin des stock-options, de la limitation des bonus, du plafonnement des rémunérations des dirigeants des entreprises publiques, et de l’encadrement de celles des patrons d’entreprises privées ?

 

On attend en vain des idées neuves, comme celle de mettre en place un revenu de base, quasi seule solution pour remettre l’égalité, la fraternité, au cœur de la République, faisant reculer la misère, et relancer la consommation.

 

Il voulait renégocier le traité européen, mais a finalement abandonner l’idée…

 

Pourtant récemment, une grande avancée aurait été réalisée au niveau bancaire européen, s’il faut en croire Michel Barnier ou Pierre Moscovici, évoquant l’un après l’autre « un changement révolutionnaire dans le secteur financier européen » et « un accord historique » affirmant que l’Europe vient de prendre une décision capitale, destinée, parait-il à organiser le contrôle des banques…

 

C’est sans compter sur l’analyse lucide qu’a fait le 23 décembre, l’économiste (et jésuite) Gaël Giraud, chercheur en économie au CNRS, et auteur de « lire l’économie » (éditions de l’atelier-prix lycéen du livre).

 

Il a qualifié cet accord « d’union de façade qui ne garantit aucune sécurité pour le secteur bancaire européen  ».

 

En principe cet accord devait casser le lien entre les banques et les états, afin de ne pas faire payer les erreurs des banques aux contribuables comme ça a été le cas jusqu’à présent, et même si un fond européen de résolution des banques a été décidé, « ça n’est pas suffisant » a-t-il déclaré.

 

Ce fond sera, dans 10 ans, à la hauteur de 55 milliards d’euros, et même si la somme parait considérable, elle est largement insuffisante.

 

Comme le rappelle l’économiste, l’actif au bilan de BNP-Paribas, c’est plus de 2000 milliards aujourd’hui, et lors de l’épisode Dexia, la France avait mis en garantie plus de 80 milliards…quant au fond de résolution français il ne contient que 2 ridicules milliards, et si la loi bancaire envisagée par Moscovici prévoit de le faire monter à 20 milliards c’est seulement dans 10 ans, donc beaucoup trop tard… si des problèmes surgissent, ce qui est probable, les citoyens seront une fois de plus mis à contribution.

 

Comme les banques savent qu’en cas de pépin, ce seront de nouveau les contribuables qui seront mobilisé pour les sauver, elles ont tout fait pour limiter le montant de l’accord.

 

De plus, cette loi protège les créanciers et les actionnaires, puisqu’elle fixe pour leur éventuelle contribution un plafond de 8% sur le passif de la banque, et comme les fonds de résolution sont trop modestes, c’est une fois de plus le contribuable qui sera sollicité.

 

L’objectif de cette loi était donc bon, mais le résultat final est pour le moins décevant, malgré les félicitations que se sont partagés les décideurs européens.

 

De plus, ce nouveau choix donne a la Banque Centrale Européenne, la mission de superviser les banques européennes, et pour Gaël Giraud, avant tout ça, il aurait fallu mettre en place toute une série de réformes.

 

S’il est évident qu’il faudrait avancer vers un véritable fédéralisme européen, aujourd’hui on retire aux états le contrôle de leur secteur bancaire, on le donne à la BCE, qui n’a pas de mandat démocratique, qui est très soumise à la pression et aux lobbys bancaires, et qui va devoir constamment arbitrer entre sa fonction de régulatrice de l’inflation, et sa fonction de supervision du secteur bancaire, se décrédibilisant en ayant ses deux mandats.

 

Aujourd’hui donc, cet accord dépossède les états d’un droit de regard légitime sur leurs secteurs bancaires, mais aussi de tous les attributs de leur souveraineté.

 

 

Giraud rappelle qu’une banque ne dira jamais quand elle va mal, tout comme la BCE, car si elle refusait l’opacité, elle pourrait mettre en faillite une partie du secteur bancaire européen…comme le dit avec humour l’économiste, « le ciel est bleu même quand il pleut  », ajoutant que les stress test mis en place par la BCE ne sont pas crédibles, et qu’ils seront calibré, afin que la casse soit minimale, ce qui permettra d’épargner les banques françaises et allemandes, les pertes n’étant déclarées que pour les pays déjà naufragés comme l’Espagne, la Grèce, le Portugallien

 

Pas étonnant dès lors que les bonnets rouges en France et les fourches en Italie soient de sortie…

 

Car si la naissances des bonnets rouges à une origine au départ plutôt corporative, le peuple des Fourches italien rassemble maintenant des chômeurs, des étudiants, des syndicats, alors qu’à sa création en Sicile en 2012, ce n’était qu’un mouvement corporatiste, dans lequel on ne trouvait que des agriculteurs, des pécheurs, et des routiers en colère contre l’austérité du gouvernement de technocrates de Mario Monti. lien

 

Ce « mouvement des fourches » prend de l’ampleur, multiplie les manifestations, et promet de marcher sur Rome en 2014, soutenu qu’il est par le « mouvement 5 étoiles  », lequel avait crée la surprise lors des dernières élections, emportant un joli nombre de sièges.

 

En France, on le sait, les bonnets rouges ont été à l’origine lancés en Bretagne pour lutter contre l’écotaxe, voulue par de pseudo-écolos, en manque d’imagination, portés par la volonté de pénaliser les poids lourds, sans imaginer une seconde qu’elle n’enlèverait que peu de camions sur les routes, et qu’au final, c’est le consommateur qui serait pénalisé.

 

Alors, en 2014, allons-nous assister à la mutation de ce mouvement, tout comme en Italie, puisque récemment Christian Troadec, l’un des leaders, maire de Carhaix et animateur du festival des vieilles charrues, à décidé de rejoindre la lutte de Notre Dame des Landes ? lien

 

En tout cas, devant l’acharnement d’Ayrault à imposer son inutile et dévastateur aéroport à NDDL (lien) il ne serait pas impossible que la colère se propage…d’autant que les grands projets inutiles, comme le « Lyon Turin » et d’autres, se multiplient, avec l’accord du premier personnage de l’état. lien

 

Alors si Hollande n’est pas le Père Noel que l’on attendait pour la France, braqué sur son illusoire inversion de courbes du chômage (lien) on sait au moins qu’il est le Père Noel de sa bonne ville de Tulle, qui constate que, depuis 2012, les subventions pleuvent généreusement. lien

 

Devant l’exaspération citoyenne de voir appliquer de mauvaises solutions à des problèmes réels, ces colères ne devraient pas être une surprise.

 

En continuant d’augmenter les taxes, impôt injuste puisqu’il pénalise toujours plus les pauvres, François Hollande ne semble pas avoir dans sa boite à outils ni les moyens de réparer les erreurs commises…ni les outils pour combattre celui qu’il prétend désigner comme son adversaire… le monde de la finance…

 

Comme dit mon vieil ami africain : « celui qui rame dans le sens du courant fait rire les crocodiles  ».

 

L’image illustrant l’article vient de « herboyves.blogspot.fr »

 

Merci aux internautes de leur aide précieuse

 

Source : Olivier Cabanel  pour AGORAVOX