A la recherche du tas de compost idéal

 

 

A la recherche du tas de compost idéal

 

Comment faire une hutte à compost

hutte a compost 1024

Ah, j’en ai es­sayé des mé­thodes de com­pos­tage. Une bonne di­zaine au moins. Avec plus de dé­cep­tions (on ne peut pas dire “échecs” puisque ça fi­nit tou­jours par com­pos­ter) que de réus­sites. Mais je crois que je tiens le bon bout. Au bout du compte, je re­tiens trois mé­thodes idéales (pour moi, s’entend), une pour cha­cun des trois types de compost :

  • pour le com­post de cui­sine : la butte en trou de ser­rure (keyhole)
  • pour le com­post des toi­lettes sèches : trois cel­lules de compostage
  • pour le com­post de jar­din : la hutte à com­post — c’est le su­jet prin­ci­pal de cet article

 

Pré­am­bule sémantique

Sur les sites, dans les livres, dans les bro­chures, on ne lit sou­vent que le motcom­post alors que, comme les Inuits pour la neige, il fau­drait de nom­breux mots pour dé­si­gner les dif­fé­rents types de com­post tant ils sont va­riés. Je re­tiens main­te­nant une clas­si­fi­ca­tion que j’aime bien, qui sé­pare l’acte de com­pos­tage en trois catégories :

  • le com­post de cui­sine : des ma­tières es­sen­tiel­le­ment riches en azote, à forte te­neur en eau, et qui ar­rivent en pe­tites quan­ti­tés ré­gu­lières, hi­ver comme été
  • le com­post des toi­lettes sèches : des ma­tières riches en car­bone et un peu trop sèches (on a ten­dance à mettre trop de sciure et co­peaux pour que ça ne sente pas), qui ar­rivent par pe­tites quan­ti­tés toute l’année, et avec une pré­oc­cu­pa­tion sa­ni­taire qui amène à les trai­ter sé­pa­ré­ment des autres com­posts et à les lais­ser mû­rir au moins un an
  • le com­post de jar­din : des ma­tières plus équi­li­brées, po­ten­tiel­le­ment par­tiel­le­ment sèches, et dis­po­nibles par gros ar­ri­vages ir­ré­gu­liers (désher­bage, ré­colte, fau­chage). Avec une pré­oc­cu­pa­tion de non-propagation des ma­la­dies et des ra­cines ou des des graines d’adventices qui en­cou­rage à es­sayer de faire chauf­fer le tas.

Chaque ca­té­go­rie a donc ses exi­gences et ses ob­jec­tifs propres, et c’est de­puis que je ne les mé­lange plus dans ma tête que je com­mence à avoir un peu plus de suc­cès avec mes en­tre­prises de com­pos­tage. Par­lons main­te­nant spé­ci­fi­que­ment du com­post de jardin.

Bref his­to­rique des es­sais (et des erreurs)

J’avais pré­paré des cel­lules de com­pos­tagedès le dé­but en pen­sant y com­pos­ter sur­tout les dé­chets de jar­din et de cui­sine. Ce sont trois com­par­ti­ments de faits avec des dosses de scie­rie et cou­verts som­mai­re­ment avec des tôles on­du­lées. Ils sont si­tués dans un coin de haie, en bas du jar­din. C’est fi­na­le­ment beau­coup trop loin pour y mettre le com­post de cui­sine. En re­vanche, la vé­gé­ta­tion en­vi­ron­nante est idéale pour évi­ter que d’éventuels écou­le­ments consti­tuent un risque sa­ni­taire, c’est pour­quoi nous les uti­li­sons main­te­nant pour le com­post des toi­lettes sèches. La toi­ture en tôle évite que la pluie y aille, ce qui fait que le tas est plu­tôt trop sec : on l’arrose à chaque fois qu’on y mé­lange un nou­vel ar­ri­vage. Au bout d’un an, quand un com­par­ti­ment est plein, on l’humidifie une der­nière fois, puis on y met une bâche et on l’oublie pen­dant deux ans, le temps de rem­plir les deux autres com­par­ti­ments. Leslarves de cé­toines do­rées (à ne pas confondre avec des larves de han­ne­ton) fi­nissent de dé­com­po­ser les co­peaux, et on a un com­post tel­le­ment beau qu’on se­rait très tenté de l’utiliser pour les se­mis de salades.

Pour les mau­vaises herbes et autres dé­chets de jar­din, je m’étais es­sayé à faire des cadres en bois em­pi­lables comme j’avais vu dans le La­rousse du jar­di­nage bio. Ceci pour faire des si­los propres, fa­ciles à dé­pla­cer, et que le tas soit fa­ci­le­ment re­tour­nable. Las : outre que mes cadres sont bien trop pe­tits (65cm x 65cm x 20 cm) pour que ça puisse com­pos­ter, le bois s’est to­ta­le­ment dé­formé et les cadres étaient qua­si­ment in­uti­li­sables au bout d’un an. Per­son­nel­le­ment, à moins d’utiliser des es­sences ré­sis­tantes au pour­ris­se­ment comme le châ­tai­gnier ou l’acacia (ro­bi­nier) et de pro­té­ger les bois, je pense que ce genre de cadres et plus gé­né­ra­le­ment tous les com­pos­teurs en bois un peu lé­chés ne res­tent pas beaux et propres bien long­temps et pour­rissent trop vite pour jus­ti­fier le temps et les res­sources pour les fabriquer.

Dans la même veine du silo mo­bile et fa­cile à dé­faire, j’avais es­sayé un cy­lindre de grillage avec quelques perches tres­sées dans les mailles et plan­tées dans le sol pour le faire te­nir de­bout. Fi­na­le­ment, ce n’était jus­te­ment pas très fa­cile à dé­faire : quand on tire sur les perches pour les dé­plan­ter, ça coince dans le grillage et j’ai pas mal ga­léré à chaque fois que je vou­lais re­faire le tas.

J’ai aussi es­sayé le tas qu’on ou­blie, libre sans conte­nant. Les deux tas que j’ai faits ne sont tou­jours pas com­pos­tés après deux ans pour tous les deux : l’un par manque d’eau (il est bâ­ché), l’autre par trop d’eau (il n’est pas pro­tégé). Et les deux ont pro­ba­ble­ment aussi une mau­vaise pro­por­tion carbone/azote. L’expérience que j’en re­tiens, c’est qu’il vaut mieux pré­voir de re­tour­ner le com­post de temps en temps, pour bien com­prendre et maî­tri­ser la dy­na­mique d’un tas de com­post, et cor­ri­ger le tir le cas échéant. Et donc s’il faut pou­voir le re­tour­ner, il faut pré­voir un conte­nant qui ne soit pas trop pé­nible à ou­vrir ou dé­faire, voire pas de conte­nant du tout.

Ainsi donc, j’ai es­sayé le com­pos­tage à chaud en tas ‘libre’ se­lon la mé­thode que montre Geoff Law­ton dans son DVD “soils”. On re­tourne le tas tous les 2 jours à par­tir du 4e jour, ce qui est sensé ac­cé­lé­rer le pro­ces­sus pour ob­te­nir un com­post mûr en trois se­maines. Ça n’a pas mar­ché, mais j’ai beau­coup ap­pris en le fai­sant. Un constat : le tas ‘libre’ est as­sez moche, on n’arrive pas à le mon­ter bien droit donc il fi­nit en vague ter­ril hir­sute, et il est dif­fi­cile à bâ­cher puisqu’il faut une grande bâche qui s’envole dans les bour­rasques d’autan.

En­fin, c’est en voyant une vi­déo sur la mé­thode bioin­ten­sive où le gars monte un tas bien cu­bique en s’aidant vi­suel­le­ment de quatre perches que j’ai eu l’idée de ma hutte à com­post, afin de réa­li­ser une bonne syn­thèse entre le tas libre mais moche qu’on re­tourne très sou­vent et le com­post en silo fermé mais propre qu’on ne re­tourne quasi ja­mais. En dé­tail dans le pa­ra­graphe suivant.

Com­ment faire une hutte à compost

J’ai ap­pelé ça hutte à com­post parce que ça fi­nit par res­sem­bler à une hutte. En vrai, c’est juste un silo pour pou­voir sto­cker un joli tas bien fait (et donc qui chauffe idéa­le­ment) tout en étant lé­ger et fa­cile à dé­mon­ter pour per­mettre de re­tour­ner le tas as­sez sou­vent.
Ingrédients :

  • 8 perches d’environ 1m50 de long
  • 50 mètres de fi­celle (p.ex. la bleue des bottes de paille)
  • 1 mètre cube mi­ni­mum de ma­tière à com­pos­ter, dans les bonnes pro­por­tions C/N
  • un carré de bâche de 1m50 de large
  • de l’eau
  • ou­tils : une fourche, une barre à mine

Opé­ra­tions :

  1. Avec la barre à mine, pré­pa­rer des trous pour les perches : 15cm de pro­fon­deur, dis­po­sés en cercle de 1m20 mi­ni­mum de diamètre.
  2. Plan­ter les perches — elles servent d’armature principale
  3. En­tou­rer les perches avec de la fi­celle, en mon­tant de 15 cm à chaque tour, sur en­vi­ron 50cm de haut (on peut faire un tour de temps en temps au­tour de chaque perche pour que la fi­celle se ba­lade moins, mais plus on en fait, plus c’est long à dé­faire en­suite). La fi­celle sert d’armature secondaire
  4. rem­plir avec la ma­tière à com­pos­ter, en al­ter­nant les couches vertes et brunes (riches en azote, riches en car­bone) et en ar­ro­sant suf­fi­sam­ment à chaque étage
  5. mon­ter la fi­celle à me­sure pour bien te­nir le tout.
  6. vers la fin, fi­nir en dôme et non à plat, pour que l’eau s’écoule sur les cô­tés même quand le centre se sera un peu affaissé
  7. re­cou­vrir avec le carré de bâche, tenu en place par quelques pierres, et éven­tuel­le­ment ca­ché avec une couche de paille et des bran­chages pour faire joli.

Pour re­tour­ner le tas, il suf­fit de dé­faire la fi­celle, en­le­ver les perches, les plan­ter en cercle à côté, et re­com­men­cer l’opération. Le dé­mon­tage du silo prend presque moins de temps que le dé­bâ­chage d’un tas ‘libre’. C’est pour ça que je pré­tends avoir trouvé le tas idéal (au moins pour moi) :

  • le silo fait un tas qui n’est pas trop disgracieux,
  • qui a les pro­por­tions idéales (un bon gros vo­lume et pas trop de sur­face d’échange),
  • qui est pro­tégé de la pluie mais qui peut respirer
  • qui se dé­monte et se re­monte en deux temps trois mouvements
  • qui ne né­ces­site que très peu de ma­té­riaux (perches et fi­celle au lieu de bois ou de grillage)

Va­riantes

Au lieu d’un long mor­ceau de fi­celle, on peut uti­li­ser juste un bout de 4m pour lier les perches entre elles en haut pour évi­ter qu’elles s’ouvrent, et de me­nus bran­chages ap­puyés en cer­clage à l’intérieur des perches sur le pour­tour du tas, tous les 15 cm de haut en­vi­ron. C’est plus pé­nible pour dé­mon­ter le tas, mais ça uti­lise moins de ficelle.

Tou­jours le même bout de fi­celle pour te­nir les perches en haut, mais l’armature in­terne est un cy­lindre de grillage ap­puyé à l’intérieur des perches. Comme il ne for­cera pas (ce sont les perches qui prennent l’essentiel des ef­forts), il ne se dé­for­mera pas et on pourra l’utiliser de nom­breuses fois pour jus­ti­fier l’investissement.

http://www.arpentnourricier.org/la-hutte-a-compost/