Déficit : De combien l’Etat le réduirait en vendant ses participations boursières ?

 

ÉCONOMIE – Le couperet est tombé vendredi 29 mars : le déficit public de l’année 2012 est bien plus important que prévu, à 4,8% selon l’Insee. Un nouveau caillou dans la chaussure de François Hollande, dont l’opération de communication de la veille sur France 2 risque d’être entachée.

Comment l’Etat pourrait-il résoudre son problème de déficit en quelques jours ? Liquider ses participations dans les grandes entreprises pardi ! Le ministère des Finances a annoncé mercredi une réduction de sa participation au capital de Safran, dans lequel il détenait 30%. Avec la vente de 3,12% du capital de l’équipementier aéronautique, une rondelette somme de 448,5 millions d’euros est donc venue garnir dans les caisses.

Selon Bercy, le produit de la vente servira à financer des investissements productifs destinés à relancer l’économie, notamment en dotant la nouvelle Banque publique d’investissement de fonds propres supplémentaires. De quoi préserver les Français d’un nouvel impôt, à l’heure où le gouvernement racle les fonds de tiroirs pour ne pas se faire taper sur les doigts par Bruxelles.

Imaginons deux secondes qu’au lieu de mettre en place de nouveaux plans de rigueur, François Hollande décide de vendre ces actifs boursiers « non stratégiques » de l’Etat? Cela permettrait-il de rembourser la dette de la France? De résorber le déficit d’une ou plusieurs années? Le HuffPost a fait le calcul.

APE, Caisse des dépôts, FSI… l’embarras du choix

Mais attention, il faut bien faire la distinction entre les différents bras armés dont dispose l’Etat. On ne peut pas tout vendre, tout brader de manière égale. Pour faire rapide, il y a l’Agence des participations de l’Etat (APE), la Caisse des dépôts et consignations (CDC), et le Fonds stratégique d’investissement (FSI).

Tous ne répondent pas à la même logique ni aux mêmes besoins.

• La CDC est sous la coupe de la Commission des finances de l’Assemblée, se voulant tout à fait indépendante de l’exécutif. Les participations qu’elle gère sur les marchés financiers s’élevaient à 50 milliards d’euros à la fin 2007. En théorie, elle ne peut servir à appliquer la politique du gouvernement, mais peut « ponctuellement venir en aide », comme elle le souffle au HuffPost. Ces participations sont nombreuses et toujours réduites: Saint-Gobain (2,6%), Société Générale (2,52%), Areva (3,32%), Dexia (1,1%)…

• Le FSI a le mandat d’aider les entreprises françaises nécessitant des investisseurs stables pour financer des projets de développement. Sa nature n’est donc pas de vendre ses actifs supposés fragiles, même si des participations dans France Telecom (13,67%) ou Eiffage (19,28%) démontre qu’il se diversifie de plus en plus. Il est doté de 20 milliards d’euros de fonds propres.

• C’est l’APE qui nous intéresse dans le cas présent, notamment car c’est elle qui détenait les titres Safran, cédés cette semaine. Voici l’ensemble des participations l’APE, ainsi que leurs valorisations au 26 mars 2013.

 

Part de l’Etat▼ Cours au 26/03/13 Valorisation (en millions d’€)
EDF 84,44% 15,305 € 23886
Aéroports de Paris 54,54% 67,04 € 3617
GDF SUEZ 36,71% 15,835 € 14022
Safran 27,08% 35,49 € 4468
Thalès 27,08% 32,735 € 1793
Air France KLM 15,88% 7,38 € 352
Renault 15,01% 50,34 € 2234
EADS 14,83% 40,925 € 5023
Areva 14,33% 12,33 € 677
France Télécom 13,45% 8,15 € 2904
Dexia 5,73% 0,05 € 6
CNP Assurances 1,1% 11,095 € 79
ENSEMBLE 59061

 

 

Quel impact sur les finances publiques si les participations étaient vendues ?

 

Si l’Etat décidait de tout vendre, il pourrait donc empocher un pactole avoisinant les 59,061 milliards d’euros, sans même toucher aux participations de la CDC.

Il faut toutefois y soustraire les participations d’Aéroport de Paris et EDF, car une cession de la totalité de des titres entraînerait une privatisation de ces entreprises stratégiques. La question de GDF Suez pourrait également se poser car, même si l’Etat n’y est pas majoritaire, il reste l’actionnaire de référence.

Quant aux parts d’EADS, elles ne peuvent pas non plus être vendues, car elle font l’objet d’un subtil jeu d’équilibre entre l’Etat français et son homologue allemand.

Au final, le solde des ventes dites « possibles » avoisinerait donc les 26,53 milliards d’euros. Et encore, à condition d’y intégrer une entreprise comme Areva par exemple, qui permet à la France d’avoir la main sur la filière nucléaire. On est donc bien dans une fourchette très haute et dans un scénario de science-fiction.

En outre, c’est du « one shot ». La vente de ces titres boursiers apporteraient un bol d’air sur une année, mais cette stratégie n’aurait aucun intérêt sur le long-terme. En effet, l’Etat touche chaque année, comme n’importe quel actionnaire, des dividendes sur ses participations.

Mettons donc de côté une seconde toutes ces limites et précautions. Quelle bouffée d’oxygène apporterait au juste ces 26 milliards?

Pas de quoi tomber à 3% de déficit

Selon l’Insee, le déficit a atteint 4,8% du PIB en 2012, lui-même arrêté à 1800 milliards d’euros (source Insee). Le déficit représente donc la somme de 86,4 milliards d’euros.

En lui soustrayant les 26 milliards d’euros résultant de la vente des participations, il tomberait ainsi à 59,87 milliards d’euros… soit 3,326% du PIB.

Même pas de quoi rentrer dans les critères de Bruxelles, qui exige de ne pas dépasser le sacro-saint 3%. Un peu décevant en fin de compte, d’autant que le problème resterait entier pour les années suivantes.

Par Grégory Raymond

Le HuffPost