Seconde intercalaire : une seconde de plus ou une seconde de trop?

Une minute qui dure 61 secondes, c’est possible.  Dans la nuit de samedi à dimanche, entre le 30 juin et le 1er juillet 2012, une seconde sera ajoutée au temps légal, le temps universel coordonnée (UTC), juste avant 0h00min00s. Cette seconde dite intercalaire permet de caler le temps UTC -mesuré depuis 1972 par les horloges atomiques- sur la vitesse de la rotation de la Terre (l’alternance jour/nuit), qui connaît des variations.

L’ajout de cette seconde intercalaire n’a pas d’impact sur nos montres et nos horloges, il ne concerne que les 450 horloges atomiques du système UTC dispersées à travers le monde. Cependant ce système est remis en cause depuis plus de 10 ans et la question de la suppression de cette seconde intercalaire agite les spécialistes.

Ne pas multiplier les échelles de temps

« Il nous faut une seule échelle du temps, de même que nous avons un seul mètre étalon, un seul kilogramme », plaide Elisa Felicitas Arias, du Bureau international des poids et mesures(BIPM), favorable à la suppression de la seconde intercalaire.  « Les systèmes de navigation, comme le GPS, Glonass ou Galileo, ont besoin d’échelle de temps continues, car la synchronisation est la clef de ces systèmes. Or l’ajout d’une seconde, à intervalles irréguliers, crée des perturbations. Du coup, le GPS et Galileo n’utilisent pas le temps UTC, ils ont leur propre échelle. Aujourd’hui il y a 15 secondes d’écart entre le temps UTC et celui du GPS, 16 secondes avec l’ajout du 30 juin. »

Une demande des navigateurs

La seconde intercalaire est ajoutée lorsque l’écart entre le temps légal et le temps naturel risque de dépasser 9/10 ème de seconde. « C’était la demande des navigateurs à la fin des années 70, précise Elisa Arias, qui voulaient conserver une coordination avec la rotation de la Terre au cas où, faute de signal GPS, ils devraient se débrouiller avec des observation astronomiques pour calculer leur position ». Cependant, selon la responsable du département du Temps du BIPM, maintenir ce lien n’est plus nécessaire : les calculs du Service International de la Rotation de la Terre (IERS), qui prédit les écarts entre temps naturel et temps UTC, suffisent à corriger l’écart en cas de panne de GPS.

Du côté de l’Observatoire de Paris, qui héberge l’IERS au sein du laboratoire SYRTE (Systèmes de Référence Temps-Espace),  le son de cloche est pourtant très différent. « Le compromis actuel entre la rotation de la Terre et le temps UTC est selon moi un avantage » explique Daniel Gamblis, du SYRTE, qui ne voit pas d’inconvénient majeur à ce qu’il y ait plusieurs échelles. « Les scientifiques et les spécialistes qui ont besoin d’une échelle de temps continue peuvent la trouver sans problème ; quant à la question des systèmes de navigation, elle ne fait pas l’unanimité au sein même de la communauté concernée », poursuit-il. « Au sein de la communauté scientifique, nous avons mené deux enquêtes, en 2002 et 2011, et 75% des utilisateurs ne veulent pas changer le système» ajoute le chercheur du SYRTE.

Un écart de temps qui se creuse

La suppression de la seconde intercalaire aurait par ailleurs des inconvénients, obligeant notamment à revoir tous les logiciels incluant ces ajouts dans leurs programmes. « Si on découple le temps naturel et le temps UTC, l’écart va s’accroître, déplore Daniel Gamblis, on aura environ une heure de plus dans 2.000 ans ». Un argument que rejette Elisa Felicitas Arias, qui estime de son côté que le temps civil peut être adapté : « il est déjà en décalage par rapport au temps solaire et avec les changement d’heure (été/hiver) nous supportons des décalages d’une heure en un jour  ».

Le devenir de cette seconde intercalaire, qui devait être tranché en janvier dernier lors de l’Assemblée des radiocommunications à Genève, sera l’objet de nouvelles discussions en 2015. Au-delà des arguments scientifiques s’opposent des logiques commerciales, militaires, politiques… « Le temps c’est de l’information ! » conclut Daniel Gamblis. Même si la décision de supprimer la seconde intercalaire était prise en 2015, elle ne s’appliquerait pas avant 2020.

Source : Science et Avenir