L’extraordinaire histoire des cellules immortelles d’Henrietta Lacks

Ceci n’est pas un article sur le paranormal. C’est une histoire vraie, mais tellement incroyable que j’ai voulu la partager avec vous.

Henrietta Lacks est une afro-américaine  née en 1920 dans l’Etat de Virginie qui vivait dans une banlieue pauvre de Baltimore.  Elle vient consulter à l’hôpital Hopkins de la ville qui accueille les gens de couleur et les plus démunis en se plaignant de douleur dans l’abdomen et de pertes de sang non justifiées.  Le gynécologue lui diagnostique un cancer du col de  l’utérus étonnamment développé déjà pour être passé inaperçu au moment de l’accouchement.

Il était de pratique courante dans cet hôpital de prélever des tissus sur les malades pour alimenter le laboratoire de recherches biologiques de l’hôpital, sans en avertir les malades.. Pauvres et peu instruits, à quoi bon ? Des cellules saines et malades lui sont donc prélevées sans son consentement.

A la grande surprise du médecin biologiste, Georges Otto Grey, les cellules saines d’Henrietta  meurent, mais les malignes  se multiplient  in vitro à une vitesse foudroyante  et à l’infini…

Cette découverte est d’un grand intérêt pour George Otto Gey car enfin il pouvait cultiver in vitro des cellules humaines, ce qui à l’époque, n’avait jamais été réalisé, celles ci étant difficiles à maintenir en culture de part leur faible nombre de divisions.

Ces cellules se divisant à l’infini il était donc facile de les cultiver et de les distribuer dans d’autres laboratoires de recherche.  Cette lignée cellulaire fut appellée lignée HeLa  (He pour Henriette et La pour Lacks) et, est, à l’heure actuelle, la lignée standard pour toutes les études de cancérologie et biologie cellulaire effectuées sur des cellules humaines.

Tous ces scientifiques travaillent donc avec ces cellules, issues du corps d’Henrietta Lacks. Elles auront même effectué un séjour dans l’espace afin de savoir si des cellules humaines pouvaient survivre en l’absence de gravité. On estime aussi que le nombre actuel de cellules HeLa disponibles à travers le monde dépasse le nombre de cellules qu’Henrietta Lacks ait jamais eu dans son corps.

« Alignées bout à bout, les cellules HeLa, produites depuis le début de leur mise en culture, feraient au moins trois fois le tour de la Terre, s’étirant sur plus de cent mille kilomètres et pesant 5 tonnes…  Impressionnant, pour ce petit bout de femme d’un mètre cinquante », écrit la journaliste Rebecca Skloot dans La Vie immortelle d’Henrietta Lacks (Calmann-Lévy, 2011).

Les cellules d’Henrietta traversent non seulement les Etats-Unis, mais partent en Amérique du Sud, en Europe et en Asie, par bateau, par avion ou même à dos de mulet. C’est sur HeLa que les chercheurs testent les techniques de congélation de cellules. C’est avec elle qu’ils normalisent les protocoles de culture de cellules. C’est aussi grâce à elle que la communauté scientifique avancera rapidement dans le domaine de la génétique, la lutte contre le VIH ou la compréhension des cancers.

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Cependant, ces cellules ont posé et posent encore des  questions d’ordre éthique.

Un des premiers points est le fait que les cellules ont été initialement prélevées sans l’autorisation de la patiente avant d’être largement diffusées par la suite (après la mort d’Henrietta Lacks). Ils se posent alors une question à laquelle chacun peut avoir une réponse très personnelle: des cellules prélevées d’un individu (contenant donc son ADN) lui appartiennent elles toujours?

Cette question fût posée par les avocats de la famille Lacks qui ont tenté de faire valoir leurs droits.  Ce fut la lutte du pot de terre (famille noire pauvre et peu éduquée) contre le pot de fer (l’industrie pharmaceutique) Le résultat était évident :

La cour suprême de Californie statua que ce n’était pas le cas et que donc ces cellules pouvaient être distribuées et commercialisées librement.

Ceci nous amène donc au second point: la commercialisation de ces cellules.

Si le Dr Georges Otto Grey s’est toujours défendu d’avoir tiré le moindre profit de sa découverte, celle-ci n’a pas échappée à l’industrie pharmaceutique.

De nombreuses entreprises vendent désormais des cellules HeLa à différents laboratoires à travers le monde. Ils vendent donc des cellules ayant appartenu à une personne, Henrietta Lacks, n’ayant jamais donné son accord pour cela (dans la mesure où on ne le lui a pas demandé).

A l’heure actuelle, des entreprises s’enrichissent grâce à ces cellules cancéreuses ayant causé la mort de cette femme, enterrée sans même une pierre tombale. Ni elle, ni sa famille n’ont vu le moindre centime de ce commerce.

Certains scientifiques lui ont cependant rendu hommage et elle reçut des honneurs post mortem à plusieurs reprises en tant que contributrice importante (bien qu’elle ne l’ait jamais su) en matière de recherche biomédicale, les cellules HeLa ayant, par exemple, aidé à mettre au point un vaccin pour la polio.

« C’est une des rares lignées à avoir acquis un statut de « gold standard » de la recherche « , note Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Cela fait une belle jambe, à elle et à sa famille..

SOURCES :

http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/08/26/l-heritage-immortel-d-henrietta-lacks_3466644_1650684.html

http://www.biopsci.com/2009/01/20/henrietta-lacks-du-cancer-a-limmortalite/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Henrietta_Lacks

http://www.franceinter.fr/emission-au-fil-de-lhistoire-hela-pour-toujours

http://www.pnas.org/content/98/14/7656.full

http://www.lefigaro.fr/sciences/2011/01/08/01008-20110108ARTFIG00001-hela-l-incroyable-destin-d-une-immortelle.php

BIBLIOGRAPHIE : Rebecca Skloot, La Vie immortelle d’Henrietta Lacks [« The Immortal Life of Henrietta Lacks »], Paris, Éditions Calmann-Lévy, coll. « Documents, Actualités, Société »,‎ 2011, 440 p. (ISBN 978-2-7021-4174-8)

FILMOGRAPHIE :
La Vie après la mort d’Henrietta Lacks
Un film de Mathias Thery
Produit par EnsAD – École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs
Genre(s) : DocumentaireDurée : 23 min
Année de production : 2004

A LIRE EN COMPLÉMENT UN ARTICLE PLUS RÉCENT : http://www.lefigaro.fr/sciences/2013/08/12/01008-20130812ARTFIG00342-pourquoi-les-cellules-d-henrietta-lacks-sont-immortelles.php